Robin Renucci, directeur des Tréteaux de France et président de l’Association des CDN, prépare la création de Britannicus sur les îles de loisirs d’Île-de-France, fin juillet.
Répéter Britannicus avec des acteurs masqués ne fait pas perdre de valeur artistique ?
Les acteurs sont avec des masques de tissus hermétiques qui créent une muselière et le paradoxe c’est d’être dans un théâtre de langage, de profération où l’imaginaire passe par les mots. Il y a nécessité de faire entendre l’intelligibilité du texte. Plus que jamais, une attitude de réception est demandée au public qui achève ce que transmettent l’auteur et les acteurs. C’est une pensée théâtrale qui est pérenne, que certains ont un peu oubliée au profit de la violence d’être percuté au lieu d’être fécondé par l’intelligence d’un texte. Britannicus était prévu « dans le plus simple appareil », avec une mise en scène sur simple tapis. Le public sera placé de façon quadrilatérale. Tout le monde verra bien sur quatre rangées. Si nous devons jouer avec les masques, je crois que nous le ferons. Britannicus est une pièce de larmes et de sang, avec des émotions très fortes des personnages et la violence du pouvoir. Jouer avec le masque demande une prise en charge corporelle. Le texte descend dans les orteils. On a tendance à oublier cette grammaire : quand vous êtes de dos, quel sentiment voit-on dans votre colonne vertébrale. Cela ramène à la formation Jacques Lecoq, à une relation au corps qui est parfois oubliée.
Comment se présente la saison des Tréteaux de France ?
Nous avons ce partenariat avec la Région Île-de-France depuis trois ans, pour être au cœur de l’action envers le public qui ne va pas au théâtre d’habitude. Toutes nos équipes sont mobilisées l’été, nous serons sur les îles de loisir. Cela ne change pas, donc, on est même surchargés. Il y a aussi des demandes de Départements qui voudraient qu’on élargisse cela. Je travaille cet été sur une autre mise en scène, Oblomov, en partenariat avec le CDN Dijon. Nous jouerons au Théâtre du Parvis avec Benoît Lambert. S’il faut jouer Oblomov masqué, on le fera. Le décor, c’est une chambre de confinement : on retrouve des corrélations avec notre époque. Nous n’avons pas perdu nos relatons avec les collectivités. Ce qui a pâti, ce sont les activités prévues d’éducation artistique et culturelle avec milieu scolaire en mars, avril, mai juin. D’autres CDN, avec des salles à grandes jauges, ont des difficultés particulières.
En tant que président de l’association des CDN, qu’attendez-vous d’un plan de relance ?
Une meilleure appréciation de ce qu’est le service public. Nous ne sommes pas au même endroit qu’une boîte de nuit que je respecte par ailleurs. Il faut traiter de façon prioritaire le service public des arts vivants, la création nouvelle. Nous sommes de première nécessité. J’ose le dire. Si on ne sent pas les choses de cette manière, on dit le spectacle attendra. C’est une crise biologique, mais c’est aussi une crise de la santé mentale, psychique. Tout ce qu’a annoncé le président dans son discours, nous en étions heureux, mais c’est déjà ne pas reconnaître ce que nous faisons tous les jours. On ne confond pas des artistes et des animateurs. C’est mépriser les métiers des animateurs et des éducateurs. Le président de l’ACDN demande plus de reconnaissance pour ce que font les uns et les autres. La reconnaissance est financière aussi. Que s’est-il passé depuis le 6 mai ? Nous ne voyons pas venir le plan de relance de la culture.
Propos recueillis par Yves perennou
En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°474
Légende photo : Répétition de Britannicus avec masques
Crédit photo : D. R.