La soliste a été nommée danseuse étoile du ballet de l’Opéra national du Capitole le 14 juin. Une nomination comme une coutume dépassée mais qui permet de préparer l’avenir.
L’annonce vaut son pesant de tradition légèrement futile : « Le 14 juin 2024, à l’issue de la troisième représentation de Toiles Étoiles, dernier programme de la saison chorégraphique 2023-2024 du ballet de l’Opéra national du Capitole, la soliste Marlen Fuerte Castro a été nommée danseuse étoile ». Pour une compagnie relativement récente comme le ballet du Capitole – qui ne remonte qu’à l’immédiat après-guerre, quand son voisin bordelais rayonne depuis le début du XVIIIe siècle – la pratique de nomination en public d’étoiles tient du rituel emprunté dont on pouvait s’attendre à ce qu’il tombât en désuétude sous la direction d’une nouvelle directrice, Beate Vollack, totalement étrangère à ces pratiques comme pastichées de l’Opéra de Paris. La précédente série de nominations, en 2018, avait vu Kader Belarbi, alors directeur du ballet, nommer quatre étoiles d’un coup. Il n’en restait plus que deux. Les effectifs remontent donc.
Une coutume dépassée ?
Car les traditions, surtout infondées, peuvent avoir leur utilité. Pour ne plus correspondre au fonctionnement actuel d’un ballet (quel chorégraphe choisirait ses danseurs parce qu’ils sont étoiles ou pas ?), la nomination reste un rite qui ravit une partie du public, mais auquel une partie de la compagnie reste attachée, à commencer pour des raisons matérielles : étoile, c’est mieux payé que soliste, et donc que demi-soliste (on mesure l’archaïsme de cette appellation), enfin corps de ballet. Et voir cette nomination est même plutôt une bonne nouvelle, puisque cela témoigne du maintien de la masse salariale du ballet. En somme, tant qu’il y a des étoiles, c’est qu’il y aura de l’argent pour les autres. Par ailleurs, le choix de la promue donne quelques indications pour l’avenir. Cubaine d’origine, plus danseuse que technicienne, capable de défendre un répertoire beaucoup plus « post-académique », Marlen Fuerte Castro s’apparente à ces « ballerines contemporaines », dont Marie-Agnès Gillot fut l’un des modèle, à Paris. Elle défendra en début de saison la création de Sémiramis, d’Ángel Rodríguez et de Don Juan, d’Edward Clug, deux visions contemporaines de partitions de Gluck (rare pour la première) qui marquent le positionnement particulier de ce ballet dans le paysage chorégraphique. Une nomination comme une coutume dépassée mais qui permet de préparer l’avenir.
Philippe Verrièle
En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°563
Crédit photo : David Herrero