Tiago Rodrigues : « Le festival tente un mariage heureux entre artistes renommés et découverte d’artistes moins connus »

    Tiago Rodrigues

    Le Festival d’Avignon a dévoilé, le 2 avril, la programmation de sa 79e édition, prévue du 5 au 26 juillet. Son directeur, Tiago Rodrigues, en présente les grandes lignes.

    L’arabe est la langue invitée, quel était l’enjeu pour la programmation ?
    Depuis Avignon, nous regardons le monde organisé ou lié par des langues plutôt que divisé par des frontières ou des nationalités. Comme avec l’anglais ou l’espagnol, nous avons recherché des artistes que nous trouvons nécessaires d’exposer. Cette langue, la deuxième plus parlée en France, a un lien très fort avec la société française. Il existe une grande richesse des arts vivants qui méritait d’être montrée. Nous avons sélectionné une dizaine de spectacles en langue arabe d’artistes à découvrir ou redécouvrir.

    Artiste complice, Marlene Monteiro Freitas présentera NÔT, une version des 1001 Nuits dans la Cour d’honneur.
    La programmer dans la Cour d’honneur était une évidence comme Angélica Liddell l’an dernier. Cette artiste déploie une énorme sophistication conceptuelle mais dans le même temps crée des spectacles charnels et fiévreux, ce mélange d’émotions et d’extrême intelligence demeure très singulier. Je la connais et l’accompagne depuis longtemps. Elle partagera son univers à travers ses suggestions dans la programmation. Ainsi, avec un concert de la grande chanteuse capverdienne Mayra Andrade au Palais des papes, la performance de Jonas&Lander Coin Operated, le réalisateur Pedro Costa ou le DJ Branko pour le concert de clôture.

    D’illustres metteurs en scène européens signent leur retour, comme Christoph Marthaler ou Thomas Ostermeier…
    Oui, le festival tente un mariage improbable mais heureux entre artistes internationaux renommés et découverte d’artistes moins connus. Plus de la moitié de ceux programmés viendra pour la première fois au Festival d’Avignon. Comme le jeune metteur en scène albanais Mario Banushi avec Mami, c’est pour moi une vraie révélation, ou la chorégraphe australo-néo-zélandaise Amrita Hepi, qui pratique à la fois des danses traditionnelles et contemporaine. On retrouvera de grands noms, comme Christoph Marthaler, qui me semble essentiel à la compréhension du théâtre contemporain. Thomas Ostermeier montera Le Canard Sauvage, d’Ibsen, avec la Schaubühne pour une première mondiale très attendue. Milo Rau proposera une miniature, La Lettre, un spectacle en itinérance, production du Festival d’Avignon pour incarner une idée de théâtre populaire en s’invitant dans les communes. Anne Teresa de Keersmaeker revient également, carrière de Boulbon, avec une création à partir des chansons de Jacques Brel en compagnie du jeune Solal Mariotte. C’est l’un des événements du festival, tout comme la Comédie-française qui investira la cour d’honneur avec Le Soulier de satin.

    Pourquoi programmer deux spectacles du Théâtre du Radeau, de François Tanguy ?
    C’est un retour très attendu au Festival d’Avignon. Depuis le décès de François Tanguy [2022], le Théâtre du Radeau se trouve dans une période de réflexion sur la question de la transmission. Il me paraît primordial de revisiter ce parcours radical mais incontournable dans le théâtre français et même européen. Ses deux dernières pièces, Par Autan, et Item, qui tournent encore, feront notamment l’objet d’ateliers avec des chercheurs et de jeunes artistes. Le moment est sans doute venu de rendre visible le travail de François Tanguy à un public plus large.

    Cette édition propose près de 300 levers de rideaux contre 220 l’an passé, pour quelle raison ?
    Il y a davantage de spectacles que l’an dernier [42 contre 35] mais moins que par le passé et de plus longues séries, ce qui est atypique dans les grands événements européens. Plusieurs spectacles traversent quasiment tout le Festival d’Avignon, comme celui d’Anne Teresa de Keersmaeker, celui d’Israel Galván et Mohamed El Khatib autour de leurs pères, le spectacle de Gwenaël Morin à la Maison Jean-Vilar, ou encore ma création, La Distance, à Vedène. Cela nous permet d’offrir plus de jauges et d’effectuer un travail avec les publics et le territoire. Nous proposerons d’ailleurs quelques avant-premières le 4 juillet en entrée libre. Le nombre de levers de rideaux est également important pour les ressources économiques du festival.

    Le budget est sensiblement stable, à 17,5 millions d’euros. Qu’en est-il côté partenaires publics et privés ?
    La Région Sud et le Département de Vaucluse ont légèrement baissé leurs subventions mais ils les compenseront par une aide à l’investissement. 
    D’une façon plus globale, la baisse des financements publics rend surtout plus difficile la production par des compagnies. Du côté du mécénat, nous avons doublé son montant en deux ans, il représente 8 % des recettes du festival.  
     

    Propos recueillis par Nicolas Dambre

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°579

    Légende photo : Tiago Rodrigues

    Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage