Après 7 ans de travaux, le retour réussi
du Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt
Qui écoutait la maire de Paris, Anne Hidalgo, le directeur du Théâtre de la Ville, Emmanuel Demarcy-Mota et son président, Xavier Couture, le 9 septembre, ne pouvait que s’étonner d’entendre vanter le bienfait d’avoir eu à attendre si longtemps. Un gros surjeu avec la satisfaction d’être sorti de ce que certains ont qualifié de « cauchemar »… Mais le résultat dépasse les attentes. Dans la salle, 10 cm de plus aux genoux, des fauteuils qui ne claquent plus à en couvrir les acteurs. Et pourtant, l’atmosphère d’agora, propre à l’esprit des lieux, est parfaitement respectée. Même ce nom retrouvé, Théâtre Sarah-Bernhardt, avec la sculpture de la dame et la fausse loge reconstituée, se trouve bien en place.
Tout a été changé du sous-sol — le café des œillets, clins d’œil aux mânes de Pina Bausch — à la Coupole, sous les cintres, transformée en petite salle de spectacle (200 places), comme l’avait voulu Gérard Violette (1936-2014), emblématique directeur (1985-2008), qui en fit la Mecque de la jeune danse… Tout respecte les lieux, mais dans l’esprit du temps : pas de clim, un rafraîchissement par l’eau de la Seine, un hall connecté et accessible sans rupture depuis la ville, mais avec des trottoirs surélevés contre les voitures béliers, des cintres nouveaux informatisés et motorisés. Chaque changement a été pesé aux exigences du temps (le Covid, par exemple), ce qui explique aussi les 40 interruptions de travaux. Conséquences, « des enfants peuvent avoir sept ou dix ans, ils n’ont jamais connu le Théâtre de la Ville », est titillé le directeur qui admet que la moitié de l’équipe n’a jamais travaillé dans le navire amiral ! Autre conséquence de ces sept ans de réflexion, réfugiée à l’Espace Cardin, l’équipe a beaucoup inventé : du théâtre dans la ville, des rencontres, des débats, une autre façon, moins pompeuse, de s’inscrire dans la cité. Née dans la contrainte, l’expérience va se poursuivre. Le Théâtre de la Ville restera à Cardin au moins jusqu’aux Jeux olympiques. Les salariés n’ont pas encore déménagé, la salle permet des replis et assure des représentations qui peuvent être encore incertaines. Entre la petite salle des Abbesses, Cardin et Sarah-Bernhardt, le Théâtre promet également de pérenniser une expérience de lien social qui fait son actuelle originalité.
La maire de Paris peut rêver de la Place des théâtres, entre Châtelet et Sarah-Bernhardt, le président commun de ces lieux assurer de la communication des bâtiments, l’espace qui entoure le théâtre réhabilité va profiter de l’expérience acquise durant sept ans. Ce qui ne plaide pas pour une fusion ou une collaboration renforcée. Pas impossible qu’Emmanuel Demarcy-Mota ne surjoue pas la satisfaction face aux retards. Ces malheurs lui ont donné une avance sur ce qu’il faut faire pour faire théâtre aujourd’hui.
Philippe Verrièle
En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°544
Légende photo : Le grand hall du Théâtre de la Ville, le 9 septembre
Crédit photo : Josephine Brueder