La pièce Les Deux Frères et les lions, d’Hédi Tillette de Clermont Tonnerre, aurait pu rester un succès théâtral parmi d’autres. Elle va devenir emblématique de la résistance à une tentative de censure. David Barclay, homme d’affaires britannique qui, avec son frère jumeau, a inspiré l’histoire de la pièce, assigne en justice l’auteur, mais aussi la compagnie Théâtre irruptionnel, l’éditeur l’Avant-Seine, le Théâtre Poche- Montparnasse à Paris dirigé par Philippe Tesson, et le tourneur Atelier Théâtre actuel (ATA). Il réclame l’interdiction pure et simple de l’œuvre et 110 000 euros de dommages et intérêts pour atteinte au respect de la vie privée et diffamation. Le procès aura lieu le 13 mai à Caen. La pièce a été créée en 2012, à la suite d’une commande de la scène nationale de Cherbourg. Elle a vraiment commencé à tourner à partir d’Avignon 2015 et a connu un succès public et médiatique depuis sa série de la saison dernière, au théâtre Poche-Montparnasse. Elle y sera reprise à partir du 8 janvier, ce qui était prévu de longue date.
«L’assignation nous a effrayés, raconte Hédi Tillette de Clermont Tonnerre. Les demandes sont disproportionnées, alors que ce n’est pas du tout une pièce à charge, ni contre le capitalisme, ni contre l’évasion fiscale. Elle pose plutôt la question de savoir ce qui se passe quand on oublie l’intérêt général et qu’on est guidé uniquement par l’intérêt personnel. Je me suis servi de ce qui était disponible dans les journaux et, quand il y avait des trous, j’ai fait œuvre de fiction. La pièce n’a rien d’un biopic, elle ne raconte pas leur histoire.» Son avocat parle d’une fable satirique et dénonce une atteinte délibérée à la liberté d’expression. Les faits relatés qui évoquent les frères Barclay relèvent du domaine public, même si les deux hommes ont le goût du secret, en raison de leur rayonnement dans la vie économique et parce qu’il y a eu des publications dans la presse. Dans le domaine du roman, il existe une abondante jurisprudence de condamnations pour atteinte à la vie privée. Le plus souvent, elles renvoient à la divulgation de faits liés à la vie intime d’une personne.
Yves Perennou
En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°441
Légende photo : Au Théâtre Poche-Montparnasse, en janvier
Crédit photo : C. Waksmann