Si le Parquet national antiterroriste ne s’est pas dans un premier temps saisi de l’enquête, l’assassinat de trois kurdes le vendredi 23 décembre, le Colt 45 au poing, par William Mallet, raciste de 69 ans, a plongé dans l’effroi une grande partie de la population française. Mîr Perwer, l’une des trois victimes mortellement touchées (trois autres personnes ont été blessées), était d’ailleurs musicien. Situé Boulevard de Strasbourg, La Scala Paris se trouve à trois croisements du Centre culturel kurde Ahmet-Kaya, rue d’Enghien, cible du tueur. Le théâtre a rapidement choisi d’annuler les trois spectacles qui étaient à son affiche ce soir-là : Une histoire d’amour, Play/Replay ainsi que la prestation d’Alexandra Pizzagali, dans la petite salle. Le restaurant du théâtre a également été fermé. « Cela s’est passé en deux temps, décrit Frédéric Biessy, directeur général de La Scala. Nous nous sommes d’abord posés la question d’une fermeture pour marquer le coup, consécutivement à l’acte lui-même. On ne peut pas tolérer ce genre d’horreur, dans un quartier, le 10e arrondissement, qui est en plus un creuset multiculturel, il y a des associations représentant 120 nationalités qui sont inscrites à la mairie. »
Rapidement, au fil des échauffourées entre forces de l’ordre et manifestants kurdes, avec l’édification de barricades et des participants aux heurts collés à sa devanture, La Scala comprend qu’elle risque de perdre la maîtrise de son lieu. « Nous ne pouvions pas risquer de faire entrer le public, constate Frédéric Biessy. Les spectateurs, qui sont quasi tous en lien avec La Scala, sont donc prévenus que les représentations n’auront pas lieu. « Ce qui nous a le plus choqués, c’est que cette déflagration est survenue au sein d’un équilibre auquel nous sommes attachés, que nous défendons, à travers un travail quasi-militant. Les Kurdes et les Turcs cohabitent ici en temps normal, il y a tout près un restaurant turc dans lequel nous allons très souvent, plein d’autres kurdes. Mais on sait aussi que tout peut démarrer au quart de tour et s’enflammer, il y a une fatigue après tout un tas d’épreuves, une grande tension dans la société, qui nécessite d’être apaisée très rapidement. Les gens ont besoin d’être considérés ».
Nicolas Mollé
En partenariat avec La Lettre du spectacle n°529
Crédit photo : La Scala Paris