Le spectacle vivant se mobilise pour la planète

    Écologie et musiques actuelles

    Le Syndicat des musiques actuelles (SMA) et la Fédération des lieux de musiques actuelles (Fédelima) organisaient les 12 et 13 avril à Paris les premières rencontres Écologie et musiques actuelles. Une initiative qui s’ajoute à beaucoup d’autres, comme Music Declares Emergency, Drastic on Plastic, Starter, des formations ou la mini convention climat de Zone franche. L’association Arviva, par exemple, proposera un simulateur avant fin 2022 pour estimer l’empreinte environnementale de la production de spectacles. Édouard Lambert, administrateur de la SMAC jazz/musiques improvisées Périscope, à Lyon, évoque le projet européen Footprints, orienté sur l'empreinte carbone des projets : « Il doit permettre d'effectuer notre bilan carbone, en créant des outils qui permettront aux agents ou aux promoteurs de le calculer ».
    Lancé en 2021, Footprints a connu une étape préliminaire avec la constitution du réseau Jazz Connective à l'échelle européenne. « Nous avons sélectionné six agents et six artistes, poursuit Édouard Lambert. Il s'agit de les interconnecter en vue d'un déplacement sur un territoire qu'ils ne connaissent pas, en les aidant à réfléchir pour chacun à comment rentabiliser leur tournée. » Impliquant des partenaires français, polonais, néerlandais, autrichiens, norvégiens et slovènes, Footprints est doté d'une enveloppe financière de 666 000 € sur trois ans. Le programme bénéficie d'ailleurs d'un soutien important de l'UE, qui s'avère son premier financeur et abonde à 50 % son budget. Après Footprints, la démarche doit continuer en se coulant dans le programme européen Europe Créative. « Cette fois, nous allons nous intéresser au point de vue des diffuseurs », promet Édouard Lambert.

    Syndeac
    Le Syndeac, lui, accélère ses dialogues réguliers sur l'écoresponsabilité. Un groupe de travail se réunit toutes les trois semaines et implique les directions de lieux et les compagnies (50 % des effectifs du Syndeac selon Joris Mathieu, délégué aux labels du Syndeac). Un premier rendez-vous est même fixé à Avignon le 14 juillet pour partager des constats. Joris Mathieu signale que la mise aux normes de bâtiments trop énergivores est forcément l'enjeu des collectivités et de l'état, ajoutant : « Nous savons très bien qu'un facteur de pollution important va être le digital, c'est déjà le cas avec le streaming, il faut se demander comment on sort de ces mécanismes individualisants polluants à double titre : d'une part, parce que le hardware est quasi impossible à recycler, de l'autre parce que les data-centers sont de lourds foyers d'émissions de gaz à effets de serre. » Le directeur du Théâtre Nouvelle Génération CDN de Lyon constate que « le plus gros facteur d'augmentation de l'empreinte carbone, c'est la mobilité des publics ».
    Les grands festivals, très dépendants des énergies fossiles, doivent aussi questionner la mobilité de leurs publics et de leurs artistes, qui représente 80 % de leur empreinte carbone (60 % pour un lieu). « Nous ne devons pas mettre tous nos moyens dans la récolte de données, afin de convaincre les pouvoirs publics de financer des projets éco-conçus. N’oublions pas d’agir », assurait David Carroll, de l’association Slowfest. La suite de ces rencontres a permis d’interroger des usages et des cas concrets, en particulier à travers différents ateliers (maîtrise de l’énergie, alimentation, impact du numérique…). La pratique des exclusivités par des salles ou des festivals empêche des routings (parcours) cohérents. Julien Courquin, du label et tourneur Murailles Music, a participé à la mise en place d’un rider (fiche technique) « transitionnel », il pointait la résistance de certains techniciens (ou d’artistes, sur des menus végétariens).

    Modèles économiques
    Côté mobilités, la salle de l’Aéronef, pourtant située au centre de Lille, avait constaté que plus d’un tiers des spectateurs venait en voiture et a donc mené une politique d’incitation, notamment financière, à l’utilisation des transports en commun, du vélo, au covoiturage et au copiétonnage, grâce à une aide du ministère de la Culture. Le Sarcus Festival (Indre-et-loire) ne propose que des passes 3 jours à ses spectateurs et offre une réduction pour l’achat de 4 passes afin de réduire les déplacements à la journée et de favoriser le covoiturage. La production et la diffusion sont au cœur de ces enjeux écologiques soumis à des rapports de force économiques. Le sujet de l'élection présidentielle s'est invité en cet entre-deux-tours où la problématique environnementale est singulièrement éclipsée. Déterminé à “faire barrage”, Joris Mathieu constate qu'il n'y a qu'un seul candidat républicain face à une candidate qui met en danger les fondements de la République. « Mais nous sommes aussi extrêmement en colère, précise-t-il, et demandons au candidat Macron qu'il envoie à toute une partie de l'électorat des signaux clairs à la fois sur l'écoresponsabilité et un réinvestissement de la politique publique, mis à mal ces dernières années ».

    Nicolas Dambre & Nicolas Mollé

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°514

    Légende photo : Lors des premières rencontres Écologie et musiques actuelles.

    Crédit photo : D. R.