Dans un climat social dégradé par la conjoncture et le conflit autour des retraites, l’affaire des déductions forfaitaires spécifiques (DFS) pour frais professionnels ajoute des tensions au secteur du spectacle vivant, qui n’en demandait pas tant. « En 2021, nous avons appris que les règles changeraient au 1er janvier 2022, nous avons obtenu que cela soit reporté au 1er janvier 2023, nous étions plutôt optimistes, aujourd’hui, les négociations patinent quelque peu, se désole Sébastien Justine, directeur des Forces Musicales, syndicat professionnel des opéras et des orchestres permanents. L’abattement, assis à la fois sur l’assiette des cotisations salariales et patronales, s’applique aux fiches de paie de plusieurs catégories de professionnels du spectacle vivant. Son taux est de 25 % pour les artistes dramatiques et lyriques, de 20 % pour les musiciens, choristes, chefs d’orchestre, ou, parmi les techniciens, les régisseurs de théâtre. Les employeurs peuvent proposer à leurs salariés de choisir entre un abattement sur leur fiche de paie censé remplacer de manière forfaitaire leurs frais professionnels ou de continuer à déclarer au cas par cas ces frais.
En cas d’abattement, le salaire net perçu aura tendance à s’en trouver légèrement augmenté au détriment, cependant, du salaire différé et, point crucial, de la retraite de base ainsi que complémentaire. « En 2016, nous avions obtenu des employeurs qu’ils mettent fin à l’abattement sur la cotisation d’assurance chômage, remarque Ghislain Gauthier, secrétaire général adjoint de la CGT-Spectacle. Ils nous avaient annoncé qu’ils le feraient aussi pour les retraites mais nous n’avons jamais obtenu d’engagement formel de leur part ». Entre temps, l’Urssaf a acté que des vérifications plus poussées seraient effectuées en direction des employeurs. Des dispositions rapidement contestées devant le Conseil d’État par des secteurs professionnels à abattements comme la presse et l’aviation civile.
Des secteurs qui ont finalement accepté le principe d’une fin des abattements mais considérablement étalée, au prix d’un intense lobbying, avec une suppression de quelques pourcentages chaque année, jusqu’en 2038 et leur disparition complète. « Cela ne nous convient pas du tout, signale Ghislain Gauthier, secrétaire général adjoint de la CGT-Spectacle. Ces quinze années de minoration des droits à la retraite toucheraient les intermittents qui rencontrent déjà des difficultés du fait de leurs parcours hachés, de leurs accidents de parcours ». Aux Forces Musicales, on cherche à éviter une addition salée. « La nécessité de trouver des justificatifs avait déjà mis le feu aux poudres, constate Sébastien Justine. Il devenait en effet complexe de réaliser la paie sans eux alors que les frais, réels et importants, pour les musiciens sont souvent dans une temporalité décalée, le moment de l’entretien de l’instrument n’est pas le même que celui où on joue. Si on doit appliquer la suppression soudaine de ces abattements à un orchestre avec 100 permanents, cela se chiffre vite en centaines de milliers d’euros ».
Nicolas Mollé
En partenariat avec La Lettre du spectacle n°533
Légende photo : Ghislain Gauthier
Source : D. R.