A la lecture des premières plaquettes de saison 2023-2024, les théâtres de ville – très sensibles à la billetterie – résistent à l’inflation des tarifs. Alors que les prix grimpent pour le livre, le cinéma et les grands spectacles de variété, les théâtres municipaux ne veulent pas décourager leur public. C’est l’avis de Régis Ferron qui dirige l’Espace Marcel-Carné (EMC), à Saint-Michel-sur-Orge (Essonne) : « Nous augmentons très peu. C’est important pour des questions de pouvoir d’achat. Beaucoup de salles viennent juste de retrouver leur public, il ne faut pas mettre de frein. » Il admet que son établissement a été soutenu par la communauté Cœur d’Essonne pour les hausses de charges. « On a aussi eu l’une des meilleures billetteries de l’histoire du lieu l’année dernière, passant de 150 000 à 200 000 euros. Le meilleur taux de remplissage permet de limiter les tarifs. » Quelques rares conseils municipaux ont risqué des hausses, s’attirant les titres de la presse locale. Ainsi, à Abbeville (Somme), le saut du tarif A de 19 à 24 euros suscite les foudres de l’opposition...
Ailleurs, on voit aussi de petites hausses pour les séances scolaires suite à l’extension de la part collective du Pass culture aux 6e et 5e. Quand on épluche les plaquettes, les hausses sont très timides sur les tarifs moyens, mais plus nettes sur des spectacles avec vedettes. Constat confirmé par Christophe Bennet, directeur des affaires culturelles (DAC) de Cergy et président de la Fnadac qui a mené un rapide sondage auprès des DAC d’Île-de-France. « Sur 21 répondants, 8 augmentent leurs tarifs de 4 à 10 %, mais cela s’étale sur trois ans, rapporte-t-il. Ces hausses sont souvent sensibles politiquement. C’est aussi risquer de baisser le taux de fréquentation, alors que les recettes dans nos salles ne constituent pas la partie la plus significative de nos ressources. Par contre, j’ai identifié une catégorie [de prix] supplémentaire sur les concerts grand public ou avec une tête d’affiche. » Pour cette catégorie « supérieure », ces théâtres mesurent qu’ils ont encore une marge comparé aux Zénith, palais des congrès ou arénas dont les fréquentations tiennent bon.
Si les principaux prix sont gelés, où les théâtres relâchent-ils la pression budgétaires ? Car les hausses sur les fluides, sur les frais d’approche, sur les contrats d’achat « pulvérisent les budgets artistiques », estime Ghislaine Gouby (Scènes du Golfe à Vannes. Et des baisses de budgets se rajoutent : « Les collègues disent qu’il y a des restrictions budgétaires, énonce Christophe Bennet. Cela se traduira par une programmation un peu moins ambitieuse ou bien qui commencera plus tard ou encore par des négociations plus drastiques avec les compagnies. » Au Syndicat national des scènes publiques, le président, Frédéric Maurin (L’Hectare, à Vendôme), abonde : « C’est par une baisse du nombre d’œuvres dans la saison qu’on aura une adaptation budgétaire. Beaucoup de programmateurs sont face à des choix cornéliens. On s’inquiète pour les compagnies indépendantes. Elles sont le plus exposées. »
Yves Perennou
En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°541
Légende photo : L’Hectare, à Vendôme
Crédit photo : Julien Pebrel