3 questions à Bruno Cochet, directeur du Théâtre de Rungis, membre du bureau du SNSP
Quels sont les postes les plus émetteurs en gaz à effets de serre dans un théâtre ?
Ils sont au nombre de trois mais cette hiérarchie est légèrement contre-intuitive dans la mesure où le premier d’entre eux, le transport des publics, n’émane pas directement du théâtre. Ensuite, surviennent en deuxième ou troisième position, en fonction du type de bâtiment, le chauffage ou le transport des artistes. Ces trois facteurs pèsent pour 90 % de ce type d’émissions. À Rungis, nous avons mis en place sur notre site Web une plateforme de covoiturage et un calculateur de l’impact carbone. Il y a même aujourd’hui un projet du SNSP [Syndicat national des scènes publiques] de travailler avec nos éditeurs de logiciels de billetterie pour les faire converger avec les possibilités de co-voiturage au moment des réservations, tout en conservant la confidentialité à laquelle nous oblige le règlement général sur la protection des données. Depuis juin, nous avons mis en place une prime incitative, en plus de l’obligation pour l’employeur de prendre en charge 50 % des frais de transport, pour encourager les mobilités douces. Elle est de 120 euros par an. Nous prévoyons aussi une clause transport bas carbone dans les contrats de cession engagés auprès des compagnies et des artistes.
Est-ce que certains la refusent ?
Il ne s’agit pas d’une contrainte mais d’une incitation, d’une sensibilisation. S’ils viennent en camion ou en voiture, on ne refusera pas pour autant de les programmer. Il y a une révolution écologique systémique à opérer pour faire en sorte que les tournées se fassent dans un esprit coopératif, afin de maintenir un service public des arts de la représentation plus respectueux de la planète. Jusqu’à maintenant, était avant tout recherchée une grande singularité, voire de l’exclusivité, dans les programmations, ces valeurs doivent évoluer au profit de saisons plus coconstruites à l’échelle d’un territoire, tout en maintenant la diversité des formes.
Parlons de vos compteurs mesurant les consommations, qui en est à l’initiative ?
Deux sont en place depuis juin 2021, l’un concerne la centrale chaud et froid, l’autre est installé à l’entrée et mesure la tension électrique de la scène. C’est la ville qui les a installés. Beaucoup de bâtiments sont municipaux ou appartiennent à la communauté d’agglomération, c’est notre cas, nous n’avons pas la main sur notre système de chauffage. L’idée n’est pas seulement de passer à 19° mais d’aller vers la rénovation thermique des bâtiments ou des éclairages LED, des investissements souvent lourds. La plupart des bâtiments sont vieillissants, issus des années Lang, l’état aura une responsabilité forte pour accompagner les collectivités territoriales. Pourquoi ne pas se lancer dans un plan européen de rénovation des bâtiments ?
Propos recueillis par Nicolas Mollé
En partenariat avec La Lettre du spectacle n°524
Crédit photo : D. R.