Entretien avec Carole Zavadski, déléguée générale de la Commission paritaire nationale emploi formation spectacle vivant (CPNEF-SV).
La crise sanitaire crée-t-elle une urgence sur les reconversions ?
Eviter les reconversions massives des professionnels du spectacle vivant est une préoccupation majeure. La question des transitions professionnelles n’est pas nouvelle. L’augmentation du nombre de salariés depuis les années 2000 masque un fort taux de rotation des effectifs : on compte environ 40 % de nouveaux entrants annuellement, et presque autant de sortants. Cette volatilité concernait les plus précaires et les occasionnels qui ne cherchaient pas à faire carrière. Aujourd’hui, les reconversions touchent des artistes et des techniciens bien insérés, près d’un intermittent sur deux, les auteurs-compositeurs, les indépendants et les jeunes sortant d’écoles spécialisées. Les personnels administratifs, plus fréquemment permanents, semblent moins concernés. Selon notre diagnostic-action sur l’impact de la pandémie : 10 % des professionnels seraient déjà reconvertis, 12 % s’y préparent et 31 % l’envisagent. Un quart des reconversions seraient définitives.
Quelles sont les différentes sortes de reconversions ?
Jusqu’ici, les reconversions s’effectuaient au sein du spectacle vivant, par des changements de métiers correspondant à des évolutions de carrières positives. On constatait également de nombreux cas de multiactivité : le métier d’origine étant exercé dans des secteurs connexes tels que l’événementiel, l’audiovisuel, le loisir, l’animation socioculturelle. Mais ces secteurs ont été également très impactés, limitant les possibilités de mobilité. Ceux qui ne peuvent attendre la reprise se tournent vers de nouveaux secteurs, quitte à devoir changer de métier. Les techniciens se sont, par exemple, tournés vers le bâtiment ou le transport. Les opportunités sont plus complexes pour les artistes. Dans tous les cas, ces reconversions subies sont difficiles à vivre.
L’offre de formation va-t-elle s’adapter ?
Les difficultés ne concernent pas tant la composition de l’offre de formation que son accès : son financement et les possibilités d’inscription dans le bon timing. De plus, pour réussir les reconversions, il faut des solutions individualisées. Avec la danse et le cirque, on sait qu’il s’agit de processus longs, tenant compte des attentes des personnes et de la faisabilité du projet. Les organismes de formations devront développer des accompagnements pour tous les métiers, en proposant des bilans de compétences ou du conseil. Coté entreprises, bien que fragilisées, elles conservent un rôle central de soutien à leurs équipes afin d’éviter la perte des compétences. Des aides massives sont donc réclamées afin de l’éviter, lutter contre les inégalités et permettre la reprise sans que l’emploi artistique ne devienne la variable d’ajustement.
Propos recueillis par Nicolas Mollé
En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°496
Crédit photo : D. R.