Le monde rural attend un soutien technique et financier pour ses politiques culturelles sous contraintes.
Le Printemps de la ruralité, lancée le 22 janvier 2024, aurait dû déboucher ce mois-ci sur des assises destinées à « valider une feuille de route ». Las, un temps annoncé le 19 avril, elles n’ont toujours pas eu lieu. Les attentes sont pourtant là tant les zones rurales sont « les grandes oubliées », selon Rachida Dati, et comme tant d’autres l’ont déjà dit. Les acteurs du terrain ont toutefois saisi l’opportunité et apporté leur contribution. En ligne – plus de 30 000 participations –, au ministère et dans les concertations régionales. L’Association des maires ruraux de France (AMRF) a déposé 100 propositions, bien heureuse « de l’arrivée sur le devant de la scène de sujets portés depuis de nombreuses années, résume son directeur, Cédric Szabo. Si vous ne mettez pas le pied dans la porte, il n’y aura rien de nouveau ».
Ces élus, déçus par la dimension culture « réduite » de France Ruralités (2023-2027), le programme global d’Élisabeth Borne, poussent « la question de l’ingénierie culturelle, insuffisante ». Le plan Borne l’avait esquissé avec 60 volontaires territoriaux en administration (VTA), et des formations d’élus. L’AMRF veut aller plus loin : « Que chaque DRAC ait une personne dédiée à la culture en milieu rural. Nos élus se sentent seuls, en manque de codes. Et un Monsieur ruralité ce serait bien », explique Cédric Szabo.
Un financement pérenne
Impossible toutefois, pour le ministère, de passer à côté de la question du faible financement dans ces « campagnes » lors des Assises. Parfois, il suffit de le flécher différemment. France Ruralités voulait, par exemple, mobiliser les labels en ruralité. « L’État parle d’éviter la dispersion des moyens. Il faut donc les renforcer là où des choses sont faites plutôt que de demander à d’autres d’y aller », répond de son côté Claire Moreau, directrice déléguée du Synavi. Pour son syndicat, l’absence d’ingénierie, et parfois d’équipements, rend le travail complexe : les compagnies jonglent avec plusieurs partenaires, « des choses invisibilisées qui coûtent du temps et de l’argent ».
Ce syndicat pousse « les résidences de territoires et une pluriannualité des financements », pour éviter de courir les appels à projets lourds. Selon Claire Moreau, les Assises sont « l’occasion de reconnaître ce travail des compagnies fait dans l’ombre des labels. Une autre lecture du service public de la culture ».
Les festivals, dont la dynamique récente s’observe surtout dans les territoires ruraux (lire encadré), attendent soutien et reconnaissance. « Pour nos adhérents, il y a un besoin d’accompagnement dans leur fonctionnement et leur financement », synthétise Alexandra Bobes, directrice de France Festivals, qui regrette également les appels à projets au détriment des conventions triennales : « Du coup, on travaille avec des budgets pas sûrs ». Comment changer ? Par une concertation entre les DRAC et les collectivités pour des financements pérennes, voire « la mutualisation de certains postes », surtout ceux en lien avec le développement durable.
Pour les scènes de musiques actuelles (SMAC), acteurs importants – 25 % sont implantées en milieu rural contre 5 % des autres lieux labellisés –, « le principal problème est la question du financement », assure Aurélie Hannedouche, directrice du Syndicat des musiques actuelles. Car les SMAC sont dans des collectivités aux budgets « naturellement peu élevés ». Et où la question « de l’attractivité des professionnels à venir travailler », et de « l’accessibilité, avec des transports en commun rares », se pose âprement. Un sujet de développement territorial, et durable.
Festivals : une dynamique rurale malgré les défis
Lancée à l’automne dernier, l’étude Ruralités, 8e volet de SoFest, de France Festivals et de l’équipe du chercheur Emmanuel Négrier, arrive par un heureux hasard à l’aube des assises de la culture en milieu rural. Elle montre une dynamique singulière de création des festivals dans ces zones (46 % des événements de musiques) depuis 10 ans (48 % sont nés dans la dernière décennie), bien que leurs moyens sont inférieurs (taux de subventionnement de 41 % contre 56 % pour les festivals urbains), et avec une dépendance supérieure aux recettes propres. Malgré tout, ce travail scientifique montre un taux de dépenses artistiques de 49 % contre 44 % en milieu urbain. C’est la preuve d’une moindre professionnalisation des équipes, et de la part du bénévolat. Ce déficit de « structuration professionnelle » est à combler pour plus de diversité artistique : la musique l’emporte sur le théâtre, plus complexe techniquement (décors, scènes) à monter.
Jérôme Vallette
En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°558
Légende photo : Rachida Dati à l'Abbaye de Beaulieu-en-Rouergue en fevrier 2024
Crédit photo : Drac Occitanie