Interview de Micha Ferrier-Barbut, sociologue, consultante en management.
Dans votre dernier ouvrage, vous évoquez le « manque de vision managériale » de la grande majorité des directions dans le secteur culturel. Pourquoi ?
Ce sujet apparaît beaucoup dans les témoignages. Il ne s’agit pas d’incriminer dès le début les managers pour dire qu’ils sont responsables de la situation, au regard des conditions de travail, de l’ambiance qui règne dans les structures culturelles. Les équipes dirigeantes elles-mêmes ne sont pas formées. Elles ont peu de goût à cela. Ce qui est encouragé, c’est véritablement la vision artistique. On peut s’en féliciter, mais on ne peut pas mettre en œuvre un projet artistique en ne s’appuyant que sur une vision artistique. Les équipes doivent être considérées. Le pilotage d’un projet artistique, le management et la transmission de ses valeurs, encadrés dans une vision professionnelle, c’est quelque chose d’assez peu présent dans les entreprises culturelles, dont je rappelle qu’elles sont souvent très petites. Se pourvoir d’outils managériaux, c’est difficile et ce n’est pas une priorité.
Être artiste et dirigeant, est-ce vraiment compatible ?
Les artistes ne sont pas du tout accompagnés dans ces fonctions managériales, qui sont pourtant indissociables de la fonction artistique. Le secteur a du mal à recruter et voit beaucoup de départs pour ces deux raisons : le management et les conditions de travail. Pourtant, c’est un secteur attractif sur ces valeurs, sur le plan du vivre- ensemble. Là, ça ne suffit plus du tout. La question des conditions dans lesquelles on travaille, ce que l’on donne pour son travail, cela compte de plus en plus. C’est une tendance lourde. Le secteur culturel n’est pas plus concerné qu’un autre, sauf que les personnes qui y travaillent ont été très sérieusement malmenées depuis un certain nombre d’années. Après la crise sanitaire, il a été rattrapé par ses manquements.
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Lire la suite dans La Scène n°114 - Septembre 2024
Propos recueillis par Cyrille Planson
Légende photo : Micha Ferrier-Barbut
Crédit photo : Julien Pebrel