Avec « Fxmmes créatrices », Pauline Bayle, directrice du Théâtre public de Montreuil, a accompagné toute la saison 13 femmes et une personne non binaire de Seine-Saint-Denis pour mener un projet personnel de création. La restitution publique, le 20 avril, s’est faite à guichet fermé. Retour sur cette « édition fluide, de sa théorie à sa mise en œuvre ».
Quand avez-vous nourri le désir de ce projet « Fxmmes créatrices » ?
J’avais réfléchi à la question d’espaces de création pour les femmes et minorités de genre quand j’étais artiste associée à l’Espace 1789. En arrivant au TPM, j’ai discuté des possibilités avec l’équipe des relations avec le public, mais le projet est né lors de mon travail sur ma pièce Écrire sa vie, d’après l’œuvre de Virginia Woolf. Dans sa correspondance avec d’autres artistes, se lisent des échanges sur des mêmes questions liées à la création, sans distinction entre les arts. J’avais envie de proposer cela au TPM, d’en faire un espace de recherche pas seulement théâtral. Et notre appel à projets a reçu beaucoup de propositions !
Comme avec Écrire sa vie, vous soulignez l’importance du collectif dans la naissance à soi comme artiste…
Oui, je crois à l’émulation collective. Au cours des séances, chaque participant(e) montrait une étape de sa création, et pensait à des questions à destination des autres : est-ce compréhensible ? Saisit-on les intentions ? Aucun(e) de nous n’était expert(e) d’un art en particulier, donc nous avancions ensemble.
Quelle a été votre place, surtout auprès de participant(es) dont l’art est a priori éloigné du vôtre ?
Tous les différents arts sont recoupés par la question de la dramaturgie. Derrière l’œuvre, c’est une idée qui s’incarne, et elle doit être lisible. C’est là que j’ai pu intervenir. Grâce à mon expérience, j’ai pu aussi aider les participant(es) sur des questions de durée, etc. Mais je n’ai rien imposé. D’ailleurs, certains de mes systématismes ont été eux-mêmes remis en cause !
Quels retours avez-vous eus des participant(es) ?
Le cadre dans lequel on crée a un énorme impact sur la création. Là, nous avions du temps, un lieu, plein d’espaces… Ce que beaucoup ont souligné. Chacun(e) a puisé de quoi faire avancer sa pratique, voire aboutir son œuvre, sur le fond ou la forme.
Est-ce essentiel pour vous, directrice de CDN, de proposer ce projet uniquement à des amateurs et des amatrices ?
C’est la règle du projet oui – quoique certaines pourraient publier leur roman, par exemple. C’est important pour moi de réserver un espace à des pratiques gratuites, comme des fins en soi. Car elles disparaissent de nos vies, attaquées par nos obligations. Avec ce projet, nous faisons du CDN un refuge face à la violence du monde. Et les projets amateurs doivent avoir leur place dans un CDN. C’est ainsi qu’on s’ancre aussi dans le quotidien d’un territoire.
Quelles envies cette première édition a-t-elle suscitées chez l’artiste que vous êtes ?
J’ai envie de continuer à travailler avec des personnes qui ont des choses à dire sans que ce soit leur métier. Mais sous quelle forme ? Aussi, je suis très intéressée de suivre les projets des participant(es).
Et pour l’avenir de ce projet ?
Il y aura un débrief avec les participant(es) en juin. Le projet sera reconduit en 2025, mais nous ne savons pas encore qui assurera l’accompagnement. En revanche, la restitution se fera en fin de saison, lors des Aperçus, temps de présentation de tous les travaux amateurs de la saison (ceux des Adelphes, des scolaires etc.). Et le projet figurera dans la brochure.
Propos recueillis par Hanna Laborde
En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°560
Légende photo : Pauline Bayle
Crédit photo : Julien Pebrel