Paris : La Philharmonie a trouvé sa place

    La Philharmonie

    Dix ans après son inauguration, la Philharmonie de Paris a fait taire les quelques polémiques sur sa légitimité, son coût ou son emplacement. Son architecture intérieure s’inspire de celle de la Philharmonie de Berlin (1963), une salle enveloppante. Avec une distance maximum de 32 mètres entre le chef d’orchestre et le plus éloigné des spectateurs, la Philharmonie est une grande salle de 2 400 sièges au confort d’écoute et de vision exceptionnel, grâce à des balcons asymétriques. Et pas seulement destinée aux grands orchestres symphoniques, mais aussi au jazz, à la variété, ou l’électro… Le bâtiment signé Jean Nouvel, situé au fond du Parc de la Villette, avait été initialement chiffré à 200 millions d’euros, réévalué à 386 millions, puis à 534 millions. La première pierre avait été posée fin 2009, l’inauguration eu lieu début 2015.

    D’une cité trop petite...
    La Cité de la musique, ouverte à la Villette en 1995 (800 sièges), s’avérait trop petite économiquement pour accueillir des orchestres symphoniques, de nombreux ateliers ou de grandes expositions, et ce, alors que la salle modulable de l’Opéra Bastille n’a jamais vu le jour. Laurent Bayle reprend le bâton de pèlerin de Pierre Boulez pour défendre une salle moderne destinée à recevoir les phalanges internationales. La classe politique ne soutient guère ce projet. « Ce désintérêt politique nous a posé beaucoup de problèmes, mais il a évité toute cristallisation, il s’est presque monté à l’insu du politique. À cette période, de nombreuses salles se construisaient dans le monde pour accueillir les tournées internationales de grands orchestres », se rappelle le premier directeur général de l’établissement public. 

    ... à une transversalité unique en France
    Aujourd’hui, la Philharmonie et la Cité de la musique regroupent quatre salles de concert, un musée, deux espaces d’exposition, l’Orchestre de Paris (intégré en 2019), 18 ateliers éducatifs,  9 salles de répétitions, la Philharmonie des enfants, une médiathèque… L’établissement pilote également les orchestres Demos ou les chorales EVE, destinés aux jeunes éloignés de la musique. Olivier Mantei, qui a succédé en 2021 à Laurent Bayle, constate : « Cette transversalité, c’est un modèle unique. Il y a tant de façons d’entrer à la Philharmonie. En dix ans, une génération Philharmonie est née. Ces deux dernières années, le nombre de moins de 28 ans a augmenté de 58 % en deux ans. » Toutes activités confondues, la Philharmonie accueille 1,5 million de personnes chaque année. « On sent que les codes changent parmi le public, qui applaudit parfois entre les mouvements. Le pari du public est réussi, il y a une vraie mixité. » Dotée d’un budget de fonctionnement de 115 à 120 millions d’euros, la Philharmonie a connu deux exercices déficitaires en 2023 et 2024. « Deux déficits raisonnables et maîtrisés, votés par l’État et la Ville de Paris. Le budget 2025 sera lui à l’équilibre », confie Olivier Mantei. La Philharmonie emploie 650 permanents. « Les ressources propres ont progressé de 21 % entre 2022 et aujourd’hui, notamment grâce au mécénat et à la billetterie, les ressources publiques passant de 60 à 51 %. Les frais de fonctionnement ont grimpé de 18% (énergie, masse salariale…) alors que les subventions n’augmentaient que de 1 %. »

    Nicolas Dambre

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°573

    Crédit photo : Julien Mignot