
Et de 3 ! En novembre, l’Opéra de Bordeaux a présenté Les Sentinelles, sa troisième grande production lyrique « zéro achat », mise en scène par Chloé Lechat. Le principe, réaliser les décors, costumes et accessoires sans acheter du matériel, mais sans altérer la qualité ni freiner le propos artistique. Une démarche durable qui s’intègre dans l’objectif « mieux produire, mieux diffuser », inscrit dans la convention pluriannuelle d’objectifs de l’Opéra, renouvelée pour la période 2024-2027.
Impulsion des équipes
L’expérience débute en 2022 par l’impulsion des équipes techniques, face à la crise sanitaire et la hausse des coûts énergétiques : plutôt que d’annuler des productions, en repenser les méthodes. De là, Emmanuel Hondré, le directeur de l’Opéra, a commandé au metteur en scène Stéphane Braunschweig un Requiem, de Mozart « zéro achat ». Une première pour un Opéra en France. Après cette « réussite », six autres ont suivi, dont La Bohème, la saison passée, Les Sentinelles – une création intégrale –, et des productions de l’Académie. Où dénicher les matériaux à réutiliser ? Selon Caroline Boulay, la directrice technique, auprès de spectacles réformés, dans les 5 000 m² de stockage de l’Opéra, et chez les coproducteurs – tel l’Opéra-Comique pour Les Sentinelles. Mais aussi, pour pallier les manques, par le biais de circuits alternatifs et de mécènes en industrie – dont, pour Le Requiem, la Caisserie Bordelaise (fabricant de caisses en bois) et Ex Nihilo (spécialiste en vêtements professionnels), déjà partenaires de l’Opéra. Par cette quête de dons en nature, l’institution « avoue sa fragilité et s’ouvre à d’autres milieux », estime son directeur. Dans le cadre de sa stratégie RSO (responsabilité sociétale de l’organisation), l’Opéra a réalisé un premier bilan carbone en 2023 sur la base des données de 2022. L’achat représentait alors 40 % de ses émissions. Le prochain bilan, en 2026, révélera les effets de cette sobriété adoptée. Financièrement, les résultats sont déjà signifiants : « Pour La Bohème, nous avons économisé 110 000 euros sur le budget DCA (décors, costumes, accessoires). Pour Le Requiem, 41 000 euros ». Les dépenses restantes concernent, entre autres, l’adaptation des matériaux pour des besoins sécuritaires, artistiques ou techniques. L’ambition ? Proposer une production lyrique et une production de l’Académie en zéro achat par saison, « sans pour autant en faire une norme à ce stade ».
Hanna Laborde
En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°574
Légende photo : Les Sentinelles est la 3e production lyrique « zéro achat » à Bordeaux.
Crédit photo : Frédéric Desmesure