A l’approche de l’ouverture du chantier de rénovation du Théâtre Nanterre-Amandiers, l’inquiétude s’accroît sur la poursuite de l’activité pendant les prochaines saisons. Les salariés craignent de devoir subir du chômage technique. Le directeur, Philippe Quesne, a annoncé qu’il ne solliciterait pas de renouvellement de mandat, après la fin 2020, mettant en avant les mauvaises relations avec le maire, dans une interview à Libération, en juillet. La Ville de Nanterre est maître d’ouvrage du chantier, or, déclare-t-il, « on sent une Ville pas du tout préoccupée de notre quotidien. Les incertitudes créent une tension absolue dans l’équipe ». Pour maintenir l’activité pendant les travaux, l’idée était de transformer les ateliers de construction de décors en deux salles de spectacle temporaires de 450 et 200 places, pour les programmations de 2020 à 2023. Les techniciens du théâtre ont bien préparé le déménagement de leur matériel pour permettre le démarrage du chantier, puis l’opération a été interrompue. Un local avait été trouvé pour installer l’atelier provisoire de construction de décors, mais le bail n’avait pas été signé. Philippe Quesne accuse : « Les études d’amiante réalisées trop tardivement repoussent la livraison des salles provisoires initialement prévue en mai 2020. »
Qui va louer les bureaux ?
Davys de Picquigny, régisseur et représentant syndical Synptac-CGT, s’emporte : « Les engagements pris de part et d’autre ne sont pas tenus, on commence à entendre parler d’activité partielle pour une partie du personnel de l’atelier. » Autre sujet d’inquiétude : la prise en charge du coût de relogement des bureaux : « Demander à un théâtre de prendre sur ses fonds propres 60 bureaux à la Défense, je me demande ce qu’il restera de marge artistique », s’alarme Philippe Quesne. L’adjoint au maire chargé du dossier à la Ville, Jean-Paul Ciret, dédramatise : « Pour les ateliers, il fallait 1 600 m2 assez hauts de plafond. Ce n’est pas si facile et on a mis un peu de temps, mais on est tout près de finaliser avec le propriétaire. Quant aux bureaux, le déménagement est prévu dans seulement neuf mois. On a plusieurs pistes, mais il a toujours été prévu que les coûts soient pris dans le budget du théâtre. » L’élu parle de difficultés mineures, quand Philippe Quesne y voit une forme de désinvolture de la Ville : « Dans ces conditions, il se pourrait qu’on réclame une prolongation pour rester dans les murs plus longtemps. La concertation avait été formidable avec le programmiste Café programmation. Mais cette agence n’a pas souhaité poursuivre après la procédure de désignation. On en paye les conséquences. »
Philippe Quesne s’interroge sur le choix de l’architecte Snøhetta, qu’il estime motivé par des raisons de prestige. Il réclame une assistance à maîtrise d’ouvrage : « Le suivi du chantier est un travail usant pour les équipes et c’est un métier qui n’est pas le nôtre », souligne-t-il. Cette rentrée voit les départs de sa directrice adjointe, Solenn Le Guen, et du directeur technique, Michael Petit. Du côté des syndicats de salariés, Davys de Picquigny objecte : « La directrice adjointe, c’est le 47e départ, sur 56 permanents depuis l’arrivée de Philippe Quesne. Ces derniers temps, le personnel se rassemble régulièrement en AG. On entend parler de souffrance et d’injustice. » Jean-Louis Ramirez, secrétaire du CHSCT (comité hygiène, sécurité et conditions de travail) renchérit : « La commission de suivi des travaux était animée par la directrice adjointe. Cette instance ne fonctionne plus. Philippe [Quesne] délègue beaucoup pour se concentrer sur les productions. Et quand il est présent, il marche à l’énergie, remet en question des méthodes, des choix de politique d’entreprise. La communication dans Libération en juillet, n’a pas arrangé les choses. »
Un directeur en tuilage ?
Les salariés rencontrés espèrent la nomination d’un directeur, en tuilage avec Philippe Quesne. Ce dernier déclare : « Il serait bon que la mise en concours se fasse dans des délais plus anticipés que d’habitude, dans ces circonstances, et surtout de ne pas décaler le calendrier à cause des élections municipales. » Jean-Paul Ciret assure : « Nanterre-Amandiers n’est pas un sujet annexe pour nous. Il nous tient à coeur et je vous rappelle qu’on y met plus d’argent que l’Etat ». Au moins un point sur lequel il rejoint Philippe Quesne qui promet, même si le bout de son mandat est désormais en vue, qu’il n’entend rien lâcher sur les fonctions (atelier décor, par exemple) et sur l’outil scénographique.
Yves Perennou
En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°457
Légende photo : Le projet de rénovation du théâtre
Crédit photo : Snøhetta