Mourad Merzouki : « Mon travail traverse toutes les disciplines »

    Mourad Merzouki

    Avec sa compagnie Käfig et les deux festivals qu’il anime, Karavel (19e édition du 24 septembre au 26 octobre) et Kalypso (13e édition en novembre-décembre), mais aussi sa présence à Montpellier Danse (4 représentations et 1 événement dans l’espace public) Mourad Merzouki est incontournable, et pas seulement pour le hip-hop.

    Où en est le projet de la Ferme Berliet ? 
    Le maire de la Ville de Saint-Priest a proposé de confier la Ferme Berliet à la compagnie Käfig. Nous avons donc un bail emphytéotique pour une ouverture qui était prévue pour le printemps 2026 avec un budget idéal pour les travaux de 8 millions d’euros. C’est un projet pour la commune ; il manque d’espaces de répétition sur la ville. Mais aujourd’hui, pour permettre une réalisation plus facile, la compagnie a phasé le projet et nous engageons une première tranche en septembre 2025 pour 2 millions d’euros pour un grand studio et des bureaux. Mais il manque encore 30 % du budget à financer par du privé. 

    Les festivals Karavel et Kalypso ne s’installeront pas à la Ferme Berliet ?
    Ce n’est pas si simple ! Le festival est inscrit à Bron [métropole de Lyon], il y a un attachement très fort de la ville à cette manifestation qui est installé au théâtre où, d’ailleurs, il n’y a pas de charges fixes. La Ferme Berliet, c’est pour la compagnie Käfig qui aura à faire vivre le lieu avec un cahier des charges pas très éloigné de celui d’un CCN d’ailleurs, mais il importe aussi de ne pas couper le lien avec Bron. La compagnie reste d’ailleurs très lié avec Pôle Pik où nous avons deux petits studios installés dans les locaux d’une ancienne supérette. L’enjeu est aussi de les mettre à disposition d’autres, d’accueillir des artistes en résidence, de finaliser des créations, en particulier pour Karavel.
    Quant au festival Kalypso, le travail est d’approfondir son implantation en Île-de-France. C’est l’esprit de l’installation au sein de la fondation Fiminco à Romainville (Seine–Saint-Denis) où grâce à l’aide de la DRAC Île-de-France nous pouvons disposer de bureaux pour lesquels nous payons un loyer. Mais avoir cette possibilité, dans une région où la question des locaux est difficile à régler, est une aide extrêmement importante. 

    Qu’est-ce qui empêche d’assumer la fusion des deux festivals, une sorte de Karavelypso qui serait, dès lors, le premier festival de danse de France ? Pourquoi ne pas dire que ces deux festivals, qui se succèdent partagent le même directeur artistique et une programmation voisine, est de fait le plus grand festival de danse français ?
    Mais c’est vous qui le dites ! Même si je reconnais que c’est un grand rendez-vous de danse qui, pour sa fréquentation, la diversité de sa programmation et sa durée n’a pas d’équivalent ? Mais le plus grand, ce n’est pas à moi de dire cela ! Et les deux festivals ont des fonctionnements encore très artisanaux, avec des soutiens de partenaires publics qui permettent de fonctionner, mais une organisation qui est encore un peu du bricolage. Certains ont pu s’inquiéter de ce que les festivals puissent leur faire de la concurrence, mais ce n’est pas du tout le cas. Beaucoup de ceux qui viennent voir des spectacles dans Karavel ou Kalypso ne vont jamais aux spectacles. Ces festivals sont des marchepieds pour d’autres propositions dans d’autres manifestations ou d’autres institutions en étant une véritable école du spectateur. 

    La compagnie Käfig pratique beaucoup le mélange entre public et privé, par exemple avec la Scala ou Le 13ème Art à Paris. Pourquoi ce choix ?
    Parce que c’est une manière de présenter des spectacles sur des durées impossibles ailleurs. Il y a une temporalité propre au privé et ces théâtres proposent des conditions qui permettent de faire vivre la compagnie et les équipes. Depuis que Käfig est sorti du CCN [de Créteil, en décembre 2022], les subventions ne représentent que 10 % [DGCA, Ville de Saint-Priest, Région AuRA] de notre budget qui est de 2 millions d’euros. Tout le reste, ce sont des recettes de diffusion. Käfig va assurer 164 représentations, tous spectacles confondus, pour la saison 2024-2025. Cela signifie plus de 100 danseurs différents pour 14 spectacles actuellement en tournée. La compagnie aura 30 ans l’année prochaine et, depuis 1996, elle a assuré 40 créations pour plus de 4 000 représentations, auxquelles ont assisté plus de 2 millions de spectateurs dans 65 pays. Ce sont des chiffres qui me rendent heureux et assez fier. La compagnie va fêter ses 30 ans au printemps 2026 avec un événement qui est en cours d’élaboration pour marquer cet anniversaire. Mais l’année sera aussi marquée par une série de 60 représentations au Bon Marché [Paris] du 4 septembre au 31 décembre 2025. C’est vrai que je crée beaucoup, des spectacles très différents. Mais le fonctionnement de la compagnie impose de tenir ce rythme. 

    Vous êtes toujours chorégraphe hip-hop ?
    Oui, bien sûr, mais aussi tout simplement un chorégraphe tout court et mon travail traverse toutes les disciplines. 

    Propos recueillis par Philippe Verrièle

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°578

    Légende photo : Mourad Merzouki

    Crédit photo : D. R.