Jeux olympiques : le spectacle vivant demande des mesures compensatoires

    JO Paris 2024

    La séquence olympique fut belle, mais a laissé des traces bien visibles dans certains bilans. 

    La question des compensations pour les pertes financières liées à l’organisation des Jeux olympiques de Paris 2024 est apparue dès l’annonce, en 2022, du décalage de nombre de manifestations culturelles par le gouvernement. « Tous les festivals qui demandent la présence d’unités de force mobiles auront bien lieu pendant l’été 2024 », avait assuré Rima Abdul Malak, en 2023. Mais avec des « ajustements ». De fait, après des mois de discussions, la plupart des événements culturels de l’été se sont déroulés, souvent sur de nouvelles dates, mais sans catastrophe globale. Même si des cas particuliers se font jour. 
    À quelques semaines de la présentation des chiffres des festivals de l’été par le Centre national de la musique, mais aussi de données économiques sur l’activité des théâtres parisiens par l’Association pour le soutien du théâtre (ASTP), les demandes se précisent.

    L’offensive de La Scène indépendante sur le Off
    La Scène indépendante a multiplié les interventions pour avertir de la « catastrophe », alors en cours, qui touchait le Off d’Avignon au début de l’été. Les dates de l’édition 2024, et la durée raccourcie du festival ont pesé dans les comptes des compagnies et des lieux, d’autant plus que s’y sont ajoutées les élections législatives, une campagne anxiogène, et des vacances « locales » qui n’ont pas été avancées. Résultat, les pertes de billetterie du 29 juin au 8 juillet, dues aux baisses de fréquentation, semblent importantes, surtout pour les plus petites structures. Dix premiers jours catastrophiques pour lesquels, Fabrice Roux, le président du syndicat avait demandé dès juillet une aide exceptionnelle de 3,5 millions d’euros correspondant au prix de 30 % de la billetterie des premiers jours du Off. Des élus se sont fait le relais de cette demande, comme la sénatrice de la Loire-Atlantique, Karine Daniel (PS) qui veut des « mesures adaptées ». Face au silence de la ministre, il est vrai démissionnaire, la Scène indépendante a modifié son angle d’attaque : « Nous avons proposé que le gouvernement, plutôt que de donner de l’argent sur des recettes non réalisées, prenne en charge un ou deux salariés sur cette semaine problématique », résume le délégué général du syndicat, Philippe Chapelon. En ce sens, il propose que le gouvernement modifie les critères d’attribution du dispositif de soutien à l’emploi du plateau artistique de spectacles vivants pour les petites jauges (APAJ), afin qu’il s’active dès le premier artiste, et non à partir de trois artistes au plateau. Uniquement sur la période du 29 juin au 8 juillet. De 2018 à début 2023, ce dispositif spécifique du Fonds national pour l’emploi dans le spectacle (Fonpeps) s’activait dès le premier artiste, mais un décret de janvier 2023 l’a changé. « Tout le monde y gagnerait, poursuit Philippe Chapelon : les compagnies, aidées, les artistes, payés au-dessus du minimum syndical, et l’État qui récupérera une partie en cotisations sociales ». Et pour ce syndicat, qui tente depuis 2023 de revenir aux critères initiaux de l’APAJ, c’est un pied dans la porte bien précieux pour rouvrir la discussion sur le périmètre d’intervention du dispositif. 

    Les producteurs ont déjà leur montant
    Du côté des plus gros producteurs de spectacles, le montant des pertes est déjà chiffré de longue date. Du fait de l’occupation par les épreuves olympiques du Stade de France, et des deux arenas parisiennes, ils ont estimé en 2023 à 150 millions d’euros leurs pertes de billetterie. Nul doute qu’ils plaideront leur cause sur ce point. En dehors de ce cas spécifique, si Malika Séguineau, directrice d’Ekhoscènes, reconnaît aujourd’hui que la majorité des festivals de ses adhérents ont pu se dérouler cet été, « certains entrepreneurs ont malheureusement subi de fortes contraintes liées aux Jeux olympiques ». Des « cas identifiés qui vont nécessiter des mesures compensatoires ». Par exemple, devant la Commission nationale chargée d’instruire les demandes d’indemnisation des professionnels qui s’estiment pénalisés économiquement par les mesures prises par l’État dans le cadre des Jeux olympiques. « De manière globale, si la saison des festivals a pu se tenir, cela ne veut pas dire que les festivals vont bien en soi », relance Malika Séguineau qui profite de la période pour demander « l’ouverture d’une réflexion plus large sur le modèle des festivals en France ». Les événements du printemps ont souffert de la météo, d’une fréquentation moindre, certains « de réglementations mal adaptées ». De quoi « perturber » les équilibres du modèle économique.
    Du côté du Syndicat des musiques actuelles (SMA), la « question économique a été au centre des préoccupations » du congrès de Brest, face « aux crises ». Pour sa part, France Festivals, qui attend les données consolidées du CNM, demande la pérennisation du Fonds festivals. Et nombreux sont ceux qui souhaitent son redimensionnement à hauteur de la crise inflationniste. Un dossier à porter dans la séquence budgétaire.

    Des théâtres touchés
    Autres structures, les théâtres privés parisiens semblent avoir marqué le pas cet été. Du côté d’Ekhoscènes, « seuls 5 sont restés ouverts, anticipant un moment difficile ». Les cabarets ont vu leur activité se contracter. Si les données ne seront disponibles que fin octobre, nous a précisé Anne-Claire Gourbier, directrice de l’ASTP, « les théâtres sondés font état d’une diminution des visiteurs de 40 % » sur l’été. Un dossier de plus pour la commission d’indemnisation.

    Jérôme Vallette

    En partenariat avec La Lettre du spectacle n°566

    Crédit photo : Paris 2024