Hénin-Beaumont : escalade de la crise à l’Escapade

    Escapade

    Y aura-t-il une saison 2024/2025 à l’Escapade, théâtre de ville d’Hénin-Beaumont ? Il est permis d’en douter. Du moins, pas celle annoncée dans la plaquette. 

    Jeudi 3 octobre, le spectacle d’ouverture, L.O.L.A, du collectif L’Intruse, n’a pas eu lieu en raison de la grève des artistes qui souhaitent « alerter sur la reprise en main imminente du théâtre de l’Escapade par la mairie Rassemblement national ». L’équipe artistique de Bord de mer, programmée le 10, a été « acculée à la grève » alors qu’il s’agissait de la première de la pièce. La compagnie Protéo, qui devait jouer le 17, refuse, elle aussi, d’être au plateau. Depuis plusieurs mois, le feu couvait en coulisse et la totalité des compagnies programmées cette saison ont rejoint le collectif « Escapade en danger ». Sur le site Internet du lieu, la billetterie est inopérante, « en cours de construction ». La chargée de médiation est partie ; le régisseur, un intermittent du spectacle qui a débuté à l’Escapade il y a 25 ans, a suivi. Le directeur, Jean-Yves Coffre, en poste depuis 2020, est en arrêt maladie. Jusqu’à présent, il était parvenu à maintenir une programmation exigeante, saluée par tous, coproduisant de nombreux artistes notamment des Hauts-de-France, sans que la mairie n’intervienne dans ses choix artistiques. 

    Relations dégradées
    Mais, en interne, les relations étaient très dégradées. En janvier, le président de l’association renégocie seul la convention qui lie l’Escapade à la mairie, propriétaire des lieux. Cette convention prévoit que la mairie peut, sous préavis de quinze jours, disposer de la salle et même la reprendre, dans un délai de deux mois, pour une gestion culturelle municipale. « Je travaillais avec un pistolet sur la tempe », commente sobrement Jean-Yves Coffre. La mairie exige une dizaine de créneaux cette saison, parfois incompatibles avec la programmation déjà arrêtée. 
    Pour sortir de cette situation, une délégation du collectif a rencontré le président. « Nous lui avons tendu la main, car l’objectif est de sauver l’outil de travail », explique Maxime Séchaud, de la CGT Spectacle. En vain. « Il nous a même proposé de négocier nous-mêmes avec la mairie, c’est un comble... », rapporte le metteur en scène Stéphane Titelein, membre du collectif. 

    La grève continue
    La grève va se poursuivre, annonce Maxime Séchaud, « mais ce n’est qu’une des modalités de l’action. Nous travaillons avec le Synavi pour mettre en place une caisse de grève et trouver des reprogrammations pour les compagnies. »
    Malheureusement, constate Laurence Raoul, juriste de formation et directrice déléguée du SNSP, « les leviers de la contestation d’une convention sont peu nombreux, dès lors qu’elle ne contrevient pas aux règles de sécurité. Les cas où des exécutifs décident de rompre brutalement une convention ne sont pas si rares et toujours sur des positionnement politiques. » De fait, lorsque l’on est propriétaire et principale financeur, on est en position de force pour imposer ses clauses.  

    Bruno Walter

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°568

    Crédit photo : D. R.