
Les acteurs sont de plus en plus inquiets, avec peu de solutions de court terme devant eux.
C’est dans un contexte tendu que France Festivals a réuni à Reims les acteurs des festivals afin de prendre l’énorme vague qui bouscule leurs modèles économiques. Avec pour objectif d’installer un événement professionnel annuel sur le sujet tant les difficultés semblent s’installer. Les alertes sont nombreuses depuis plusieurs saisons : déficit, croissances des coûts artistiques et techniques, empilement de normes et de contraintes… sans parler des contributions publiques au mieux stables.
Un baromètre qui soulève les défis
Présentés par le Département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (DEPS) du ministère de la Culture lors de ce 1er forum Sofest, les chiffres 2024 du baromètre (sur 1 810 festivals répondants) sont limpides : près de la moitié des événements musicaux ont un déficit, 40 % dans le spectacle vivant, malgré un soutien financier public et des recettes stables. Ainsi, le succès de fréquentation n’inverse pas la donne : 40 % de festivals de musique déficitaires, et 44 % pour le spectacle vivant (hors musique) ont un taux de remplissage situé entre 70 à 98 %.
Un modèle fragilisé par ses paradoxes
C’est l’un des multiples « paradoxes » soulevés par le chercheur Emmanuel Négier, la fréquentation, même à des niveaux importants, n’est plus une garantie de l’équilibre financier. « Rien ne dément l’attractivité sociale du modèle festivaliers. Rien ne nous convainc d’une désaffection sociologique des publics, poursuit le chercheur. Il y a en plus une forme de renouvellement, et même si on observe un vieillissement des publics, ce n’est pas parce que les jeunes désertent, mais c’est parce que les vieux restent. »
Pour Emmanuel Négrier, sur le point de sortir un livre sur le sujet des festivals, « les problèmes sont ailleurs ». Peut-être dans le hiatus qui existe entre des soutiens publics à la peine et des retombées économiques pour les territoires toujours plus importantes. Pourquoi cette manne échappe-t-elle aux organisateurs des festivals ? évoque-t-il, résumant l’équation ainsi : « Il y a une fragilisation de leur modèle, mais un renforcement de leur enracinement ». Et il assoit son optimisme sur des faits concrets : « Le comité des aides aux festivals en Occitanie reçoit 75 projets par an : est-ce que cela ressemble à un secteur en crise ? »
Nouvelles concurrences
Pour les événements musicaux, certains pointent de nouveaux comportements : « Ce qui semble apparaître, c’est un changement d’habitude des publics qui plébisciteraient plus les grandes scènes (arena, stade) aux festivals, avec peut-être moins de curiosités », déplore Aurélie Hannedouche, directrice du Syndicat des musiques actuelles.
Un constat encore peu étayé mais elle avertit que « sur la période estivale, près de 100 événements en arena ou grand stade sont au calendrier ». Preuve d’un engouement. Et d’une nouvelle concurrence. De grands festivals privés réfléchissent à des formats plus proches des concerts, voire à des soirées à thème pour rafler ce public. « C’est tout le paradoxe français, il y a de fortes contraintes, de l’anxiété et, en même temps, les arts et la culture sont plébiscités », tempère Alexie Lorca adjointe Culture à la mairie de Montreuil, et membre de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture. Le ministère de la Culture, qui se dit au fait des problèmes et a lancé une mission sur les modèles économiques qui démarre lentement, n’a pas concrétisé les attentes dans son budget avec un fonds festivals stable (32 millions d’euros). À quelques semaines d’une de saison de tous les dangers, « difficile d’être optimiste dans un environnement morose », admet Emmanuel Négrier, pourtant serein sur le long terme.
Jérôme Vallette
En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°578
Légende photo : Aux Escales, à Saint-Nazaire (44)
Crédit photo : Eric Deguin