Le constat est sans appel : les hommes constituent 75% des élèves des classes de jazz des conservatoires, 83% des enseignants et 85% des artistes programmés sur les scènes de jazz. Eloquents, ces chiffres sont tirés de l’enquête « La représentation femmes - hommes dans le jazz et les musiques improvisées » que viennent de publier AJC, Grands Formats et la Fneijma. Elle montre que, de l’enseignement à la scène, « le jazz et les musiques improvisées sont traversés par une nette division sexuelle du travail ». Aux hommes, l’expertise artistique et la maîtrise technique. Aux femmes, les postes organisationnels et relationnels. Il en est ainsi sur scène : le rôle des uns et des autres obéit à une répartition sexuée, qui prend appui sur des stéréotypes de genre.
Dans les grandes formations, les femmes représentent 83% des chanteurs, 12% des instrumentistes, et occupent des pupitres comme les cordes et les bois plus que les cuivres et les percussions. « Cette répartition est à l’oeuvre dès l’enfance et s’inscrit dans un processus de socialisation différencié des filles et des garçons », notent les auteurs de l’étude. Dans les équipes administratives, une ségrégation similaire est à l’oeuvre : les femmes sont plus nombreuses que les hommes à tous les postes sauf... à la direction. Plus touchées par la précarité, elles sont aussi plus impactées par leur situation familiale.
Une consolation : la conscience des inégalités semble avoir progressé et celles-ci sont reconnues comme construites et non naturelles. Reste à mettre en place les solutions. A combattre les préjugés, par l’encouragement des jeunes filles et la mise en lumière de modèles féminins. Parmi les mesures correctives, l’imposition de quotas est la plus controversée. Ses détracteurs font valoir des risques d’ingérence artistique et une dévalorisation des femmes recrutées sur leur sexe et non leurs compétences. Ses partisans insistent sur l’efficacité de la mesure, citant l’exemple des pays scandinaves.
David Prochasson
En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°457
Légende photo : Kadri Voorand trio
Crédit photo : Eric Deguin