Les vedettes de rap étaient partout cet été dans les festivals dits « généralistes ». PLK aux Vieilles Charrues, aux Nuits secrètes, à Garorock et aux Francofolies, Josman et Luidji également aux Francos et au Main Square, Shay à We Love Green, aux Eurockéennes ou au Cabaret Vert… À l’inverse, à Marseille, terre de hip-hop, la Fiesta des Suds (du 10 au 12 octobre) n’a pas proposé de têtes d’affiche rap, hormis MC Solaar. Son programmateur, Frédéric André, confie : « On se place par rapport aux salles et festivals marseillais, comme Marsatac, Delta ou Hip Hop Society. Inutile de marcher sur leurs platebandes. Et je recherche des propositions live étoffées sur scène, ce qui n’est pas toujours le cas dans le rap. »
Ce que confirme Éric Bellamy, président de Nouëva Productions, tourneur de Dinos ou d’Aya Nakamura : « Beaucoup de festivals généralistes misent sur les mauvaises têtes d’affiche de rap pour assurer leur billetterie et rajeunir leur public. Ils sont au final parfois déçus par la pauvreté du show et la fréquentation, vu le prix que demandent les artistes, jusqu’à 200 000 à 300 000 euros. Car l’économie d’une tournée se base surtout sur les festivals pour rattraper les pertes financières en salles. »
Festivals 100 % rap
Pourtant, des festivals 100 % rap sont apparus ces dernières années, comme Grünt en 2022, Yardland ou Golden Coast cette année, affichant complet. Grünt (lire ci-dessous) et Yardland ont été créés en région parisienne par des médias spécialisés rap. Anthony Ferrat, producteur exécutif du Grünt Festival, analyse : « Notre force : Grünt existe depuis 2012 et il a un public très engagé. Il défend notamment une nouvelle scène apparue après la pandémie, avec La Fève, NeS ou Luther. Un public et une scène permettent de lancer un événement. Aujourd’hui, des professionnels de la musique viennent découvrir des artistes au festival, qui joue un peu le rôle de MaMA du rap ! »
Cachets
À Dijon, la première édition de Golden Coast a rassemblé plus de 50 000 spectateurs, les 13 et 14 septembre, avec une programmation plutôt axée sur des têtes d’affiche comme SCH, Zola ou Booba. Pourquoi des festivals 100 % musiques urbaines maintenant ? « Aujourd’hui, il y a un public qui n’est que hip-hop et qui aime les textes en français, analyse Christian Allex, un des programmateurs de Golden Coast. Il y a aussi une offre artistique énorme qui impose aux artistes d’exister en permanence par les réseaux sociaux, le streaming et la vidéo. Que ce soient les festivals généralistes ou spécialisés, ce ne sont pas eux qui font monter les cachets des artistes de rap, leurs prix ne sont pas irréalistes par rapport à la pop ou aux artistes internationaux ». Ce festival qu’il a monté avec Matthieu Pigasse, Live Affair et Play Two Live a déboursé de 1 000 à 250 000 euros en cachets. « Les cachets augmentent parce que ces artistes sont très suivis mais aussi parce que l’on part de très bas », estime Éric Bellamy. La période est-elle un nouvel âge d’or pour le rap français ?
Le festival de rap Grünt reste mesuré
Pour sa troisième édition, le festival Grünt a déménagé du fort d’Aubervilliers au parc de la Bergère, à Bobigny (Seine-Saint-Denis), proposant près de 30 artistes sur deux scènes les 20 et 21 septembre. Il est coproduit par le site Grünt Mag (qui réalise notamment
des captations et des documentaires) et MadLine, structure créée par Mad Minute Music et Blue Line pour gérer l’établissement FGO-Barbara à Paris. Anthony Ferrat, ex-agent d’Alias a rejoint Structure (Yann Dernaucourt et Pierre Cornet) qui est désormais producteur exécutif de l’événement. Il affirme : «Nous n’avons aucune envie de devenir un gros festival, nous limitons notre jauge à 10 000 spectateurs par jour autour d’une programmation émergente et sans compromis.» Le budget artistique ne représente qu’environ 20 % du budget total, de moins d’un million d’euros, du festival. Le tout sans aucun partenaire alors qu’il peut être du double dans d’autres festivals. Les artistes invités ont tous réduit leurs cachets.
Nicolas Dambre
Légende photo : Le rappeur SCH au festival Golden Coast, le 14 septembre à Dijon.
Crédit photo : D. R.