Le ministère de la Culture a confirmé le nouveau fonds géré par le GIP Cafés-Cultures, étendant l’aide à l’emploi artistique aux petites communes et structures occasionnelles autres que les cafés. Ce second outil obtient 200 000 euros pour sa «montée en puissance» – il avait été expérimenté en Bretagne. Il ajoute un volet diffusion à la vaste panoplie des aides aux collectivités. Or, les plus petites, rurales, manquent autant de temps que de moyens.
L’école ou l’artiste ?
La table ronde sur le spectacle vivant en milieu rural, le 30 septembre à La Gacilly (Morbihan), a confirmé la fragilité des projets culturels des petites communes : « Je crains que des projets culturels soient abandonnés à cause de l’inflation des coûts de fonctionnement, lançait Murielle Douté-Bouton, maire de Plélan-le-Grand (Ille-et-Vilaine). La hausse des intérêts va peser sur les coûts de fonctionnement et se répercuter sur les subventions aux associations. Il va y avoir une lame de fond. » Que répondre à cette maire qui assure devoir choisir entre chauffer l’école ou confirmer la résidence envisagée, déplore Céline Valette, de la compagnie Les Fées railleuses ? Ces incertitudes bousculent un mode de développement culturel modeste, mais réel, où les municipalités s’appuient sur des savoir-faire locaux, en premier lieu des compagnies installées sur place.
Gwenaël Crahès, maire de La Grigonnais (Loire-Atlantique) est, comme celle de Plélan, membre du collectif Bruded, où les élus échangent leurs expériences. Sa commune de 1 740 habitants bénéficie de l’implantation de la compagnie Paris-Bénarès. La gratuité choisie des salles aux associations locales représente déjà un poids dans son budget. Un peu partout de beaux équipements existent, mais sous-utilisés. La Gacilly a une superbe salle qui marche sur un équilibre délicat : elle doit répondre à une demande de têtes d’affiche, ce qu’elle fait le plus souvent en coréalisation avec des producteurs privés.
Il s’agit de limiter le risque. Mais surtout, insiste une élue de Baud (Morbihan), il est bon de se concentrer sur un objectif culturel. Car le temps est une denrée rare, ce qui handicape les compagnies dans la diffusion de proximité. « C’est la jungle pour se faire connaître ! Comment se retrouver pour faire du local et coopérer », s’exclame Gwenaëlle Baudoux (cie Suko de Vivo) qui aimerait une plateforme pour faire connaître les artistes régionaux aux élus et décisionnaires.
80 000 km de tournée
Elle n’est pas la seule à déplorer des parcours erratiques. La compagnie Heïdi a bien grandi, tourne beaucoup, mais souvent bien loin de sa Bretagne : « On a fait 80 000 km l’an passé, soupire l’un de ses comédiens, c’est absurde tant de dépense d’énergie ». Situation inverse pour Orange givrée, compagnie implantée depuis dix ans à La Gacilly et organisatrice de la table ronde : « On privilégie un rayon de 200 km, on tourne beaucoup en Bretagne, on a fait 90 dates cette année », précise Anthony Sérazin, son comédien référent. Ce qui implique des prix de spectacles de 800 à 1 000 euros. Pour les élus qui « font tout eux-mêmes », pas facile de suivre une ligne culturelle qui a du sens en jonglant avec les attentes, les guichets d’aides variés, les financements croisés, la participation aux événements nationaux ou régionaux, le volet collectif du Pass culture ou encore l’Été culturel, justement reconduit l’année prochaine dans les DRAC.
Yves Perennou
En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°546
Légende photo : La P’tite Boîte bleue, Compagnie Orange givrée
Crédit photo : Rui Oliveira