LAPAS révèle de nouveaux chiffres catastrophiques. Un dossier urgent pour le futur gouvernement.
En mars dernier, une première enquête de LAPAS avait sonné le tocsin dans le monde du spectacle vivant. L’Association des professionnels de l’administration du spectacle publiait les résultats alarmants de son enquête flash annonçant un effondrement de la diffusion estimée alors à 54 % de représentations en moins que la précédente saison (2023-2024). Un coup de tonnerre observé, dans une moindre mesure, par d’autres organisations. « Cette enquête flash a proposé un endroit de bascule intéressant, résumait alors un responsable de bureau d’accompagnement anonyme. Cela marque une prise de conscience d’un problème sectoriel. » Cette enquête peu précise, a été relancée et élargie à 315 compagnies par LAPAS, en association avec le Synavi et le Syndeac, au cours du mois de juin, date à laquelle les saisons sont bien calées. Si les chiffres diffèrent, notamment du fait d’une assise plus représentative, et parce que des dates se sont rajoutées depuis, ils demeurent « catastrophiques », résume sa coprésidente, Véronique Felenbok. En moyenne, la diffusion chute de 25 % par rapport à 2023-2024, de 24 % si on se réfère à la saison de référence pré-Covid (2017/2018). « Cette réduction généralisée de la diffusion concerne toutes les équipes artistiques, complète Véronique Felenbok, quel que soit leur volume de diffusion, ce qui laisse présager des difficultés grandissantes à remplir les critères de diffusion demandés par les conventionnements, notamment ceux des DRAC ». En ligne de mire, pointe la coprésidente de l’association, « cela signe la disparition à moyen terme de nombreuses compagnies, et ça a déjà commencé ».
Tout le monde est touché
Dans une tribune de l’ACDN (le 19 juin 2024), les directeurs de centres dramatiques nationaux, affirmaient que les coupes budgétaires de la Culture « mettent en péril la création et la production de centaines d’œuvres, la vie matérielle de milliers d’artistes et de compagnies ». Les équipes artistiques sont impactées de manière « uniforme », quels que soient les genres, la structuration, avec un écroulement de la diffusion plus important « pour les compagnies tout public » (-33 % par rapport à la saison pré-Covid). Des données que l’on retrouve aussi dans la structure du volume d’activité des compagnies : entre les saisons 2018-2019 et 2024-2025 « les compagnies qui diffusent plus de 100 dates par an passent de 7 % à 4 %, celles qui diffusent entre 50 et 100 dates de 22 % à 15 %, et celles qui diffusent entre 20 et 50 dates par an de 39 % à 29 % ». De facto, cette chute des équipes qui tournent beaucoup vient gonfler les rangs de celles qui ont une faible activité : « celles à moins de 20 dates par an passent de 33 % sur la saison 18-19 à 52 % sur la saison 2024-2025. » Ce phénomène, LAPAS le résume en un mot : « Ces données reflètent une précarisation globale de notre secteur, avec une précarisation accrue des compagnies les moins solides, celles qui sont dirigées par des artistes sous-représentés et/ou aux esthétiques plus singulières. »
Casse sociale à venir
LAPAS observe le même type de crise sur les professionnels de l’administration des spectacles : « 36 % des bureaux annoncent des baisses d’activité et 42 % des personnes envisagent une baisse de leur volume d’emploi. » Témoin de cette précarisation, la part grandissante des auto-entrepreneurs. Et leur volonté de « se tourner vers des projets plus rémunérateurs, pour 38 %, et de prendre plus de compagnies à rémunération égale, pour 26 %, ce qui signifie une nette détérioration des conditions de travail. » Les intermittents sont secoués. « C’est le coup de la corde : à un bout on donne une petite secousse et, à l’autre bout, c’est un mouvement d’ampleur», se lamente Véronique Felenbok qui annonce une hécatombe : « Beaucoup d’intermittents ne vont pas pouvoir renouveler leurs statuts en 2025. C’est un problème qui n’est pas évalué à sa juste ampleur. La casse sociale arrive, avec un effet retard, comme nous l’avions annoncé en mars. »
Jérôme Vallette
En partenariat avec La Lettre du spectacle n°564
Légende photo : Ecrire sa vie, Pauline Bayle
Crédit photo : Eric Deguin