La reprise des spectacles de danse en septembre, même pour de petites jauges, confronte les compagnies à de grosses difficultés. Il ne suffit pas que le confinement soit levé, encore faut-il que tout le monde soit en forme et que l’on puisse se toucher. Une répétition, de danse ou de cirque, est une activité où il sera toujours difficile de respecter les distances. Or les consignes sont encore très floues : « Nous pouvons faire des tests et nous pouvons mettre en place des mesures de sécurité. Il y aura du gel, mais la crainte demeure qu’un danseur se retourne contre nous parce que nous n’aurons pas fait ce qu’il fallait », craint un directeur, tandis qu’un autre, installé dans une ville où le club de rugby est particulièrement actif, reconnaît s’être rapproché de l’équipe sportive pour connaître son protocole.
Les danseurs doivent reprendre les répétitions sans risquer de se blesser, pour cause de manque d’entraînement. Certes, les danseurs maintiennent leur forme et nombre d’expérience de cours à distance se développent, mais un retour trop rapide au plateau présente des risques. Le cours, essentiel pour la forme, est aussi fondamental pour la cohésion du groupe, d’où l’importance qu’il soit collectif. Or, les données actuelles postulent qu’il faut disposer d’environ 15 m3 pour une personne pratiquant une activité physique intense pour que la propagation du virus soit entravée. Cet espace n’est pas assuré pour toutes les équipes artistiques. Quant à l’usage d’un masque, il semble complexe dès qu’il s’agit de sauter ou de s’agiter.
Enfin, les artistes risquent d’oublier le respect de la distance dans le feu de l’action. Ces contraintes sont étrangères au monde de la danse. Pour reprendre les répétitions, encore faut-il que les danseurs soient présents. Le Ballet de Bordeaux avait un temps caressé l’idée de pouvoir redémarrer son programme d’avril à la fin juin, mais il a rapidement renoncé : plusieurs interprètes essentiels étant rentrés chez eux, à l’étranger, leur retour s’avérait très problématique. La compagnie disposait de ces interprètes, mais pour le nombre de spectacles programmés en 2021 et qui doivent entrer en répétition à partir de cet été, elle avait prévu des auditions en cette fin de saison. Faute de pouvoir les organiser, les chorégraphes envisagent soit de réduire leur ambition et donc leur effectif, soit de renoncer. La saison s’achève dans le trouble, mais la prochaine pourrait être bien pire.
Philippe Verrièle
En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°471 bis
Légende photo : Practice, de Yuval Pick, au CCN de Rillieux-La-Pape, se poursuit en mai
Crédit photo : D. R.