L’écosystème des festivals, en grandes difficultés économiques, est prêt à évoluer, mais veut être accompagné en ce sens pour inventer un modèle de demain.
Les festivals français de toute taille sont à la croisée des chemins. Si le public répond toujours, et majoritairement, présent, des changements de pratiques pointent. Sur le plan économique, « les dépenses augmentent plus vite que les recettes, le taux de remplissage ne suffit plus à lui seul pour atteindre l’équilibre », résumait au MaMA, Stéphane Krasniewski, directeur des Sud (Arles) et président du Syndicat des musiques actuelles (SMA). « Il a augmenté et est passé de 66 % à 95 % en moyenne de remplissage des jauges en 20 ans, analysait récemment (Midi Libre, le 8 septembre), Emmanuel Négrier, chercheur au CNRS. Les festivals ne peuvent plus se louper. » D’autant que les prix d’entrée sont arrivés à un plafond.
Une mission de réflexion ministérielle
Le cul-de-sac, pressenti déjà avant le Covid, pourrait devenir délétère. La situation est telle qu’Ekhoscènes, syndicat du spectacle vivant privé, a officiellement demandé au ministère de la Culture un « groupe de travail » sur le modèle des festivals. Message reçu par Rachida Dati qui, en audition à l’Assemblée nationale, le 23 octobre, a annoncé « une mission de réflexion » à venir, pilotée par la Direction générale de la création artistique, sur le spectacle vivant, les festivals, la création. « L’État est prêt à accompagner les professionnels dans la réflexion sur leurs modèles », a-t-elle synthétisé, « pour réfléchir à la pérennisation et à la pérennité des festivals ». Ce sujet sera dans le rapport sur le budget du député Erwann Balanant (Les Démocrates). Ses pistes ? « Une moins grande concentration sur la période estivale, une politique d’aller-vers, la mise dans l’équation de l’enjeu climatique », et une réflexion sur des dispositifs fiscaux.
Des solutions pour pivoter
Pour ce pivot inéluctable, la filière veut être aidée. « Il n’y a pas de réponse unique, ajoute Stéphane Krasniewski. Chaque festival doit faire son aggiornamento, et va travailler sur un modèle de décroissance, sur l’affirmation d’une identité forte, ou sur une diversification. Mais comment les accompagner pour que ces solutions soient modélisables et utiles à l’ensemble de la filière ? » Son syndicat plaide pour l’ouverture du fonds festivals (32 millions d’euros reconduits en 2025) à des événements qui voudraient « prendre des risques ». France Festivals vient de caler son Forum national des festivals (les 13 et 14 mars 2025 à la Comédie de Reims), pour faire pivoter la filière, et pointe comme piste un accompagnement de long terme des festivals, et non plus au projet. Dans une lettre ouverte à Rachida Dati, l’organisation demande « une plus forte affirmation de l’importance du fait festivalier dans le discours politique ». « L’État répond présent, mais le soutien public ne peut pas être à l’infini », lui répond Rachida Dati. Et de pointer les festivals soutenus en DRAC passés de 169 à 772 (2019 -2023), les crédits de 10,6 à plus de 20,2 millions d’euros, ou encore le soutien du Centre national de la musique à 250 festivals en 2023.
Petits, mais costauds ?
Le Collectif des festivals (Rennes) vise, lui, des solutions à l’échelle de la filière avec une saison des festivals plus longue, et des fêtes plus petites. De quoi désengorger des événements devenus, parfois, des mastodontes à l’empreinte carbone discutable, dopés par des têtes d’affiche aux cachets délirants. Une question qui ne peut être mise de côté. Sans retourner à l’équilibre « d’avant », quand aller dans un festival était un acte culturel et social plus que de consommation, où l’on venait voir des artistes émergents, la fin de la course est peut-être arrivée.
Jérôme Vallette
En partenariat avec La Lettre du spectacle n°569
Légende photo : Royal Republic, aux Escales à Saint-Nazaire (44)
Crédit photo : Eric Deguin