Le spectacle Welfare, de Julie Deliquet, directrice du Théâtre Gérard Philipe (TGP) de Saint-Denis (93), ouvrira la cour d’honneur au Festival d’Avignon le 5 juillet. Welfare est au départ un documentaire de 1975 de Frederick Wiseman, 93 ans, inspirateur de Stanley Kubrick ou de Miloš Forman et auteur de l’inaugural Titicut Follies en 1967, film coup de poing sur les conditions d’incarcération de malades mentaux criminels. « Frederick Wiseman, qui partage sa vie entre Boston et New York, est un grand connaisseur et habitué de théâtre, raconte Julie Deliquet. Il avait vu plusieurs de mes spectacles. En juin 2020, il m’appelle et me confie qu’il a toujours pensé qu’il y avait du théâtre dans ses films, qu’il aimerait que ce soit moi qui en réalise une transposition. Ce qui m’a particulièrement touchée car j’ai adapté au théâtre beaucoup d’œuvres cinématographiques. » Après Fanny et Alexandre, d’Ingmar Bergman ; Un conte de Noël, d’Arnaud Desplechin ; ou le feuilleton Huit heures ne font pas un jour, de Rainer Fassbinder, Julie Deliquet avait elle même réalisé un court-métrage, Violetta, qui plantait en partie son décor au sein du service d’oncologie de Villejuif.
Welfare, de Frederick Wiseman a, lui, pour cadre un bureau d’aide sociale new yorkais, le réalisateur y captait avec une seule caméra chômeurs, SDF, malades ou enfants victimes de violence. « Il n’a utilisé qu’une perche, qu’une seule caméra, il a eu 150 heures de rush, on était presque dans des processus de répétition, poursuit Julie Deliquet. Wiseman a filmé de très près, sans voix off, sans musique, dans une radicalité extrême. Je devais travailler presqu’à l’opposé, pour retrouver une dimension jusqu’au boutiste, ce qu’ont vite compris Tiago Rodrigues, que je n’avais jamais rencontré et Géraldine Chaillou, que je connaissais un peu, il me fallait ordonner une mise en couleurs, dé-zoomer, avec l’envie de mettre des personnages marginaux dans un cadre hors normes. » Les 15 acteurs, âgés de 20 à 70 ans, sont passés par le TGP. Welfare s’est financé en partie grâce à un programme de 472 300 dollars de la Villa Albertine et devrait bénéficier d’une diffusion aux Etats-Unis.
Nicolas Mollé
En partenariat avec La Lettre du spectacle n°535
Légende photo : Julie Deliquet
Crédit photo : Moland Fengkov