Des recettes qui baissent et des obligations qui explosent poussent ces collectivités à freiner leurs subventions.
Signe de leurs difficultés, de nombreux Départements ont reporté le vote de leur budget primitif en quête de millions d’euros. Certains ont puisé dans leurs réserves. D’autres, comme l’Aisne, ont voté un déséquilibre budgétaire : il lui manque 22,5 millions d’euros. Cet échelon territorial est frappée de plein fouet par le fameux effet ciseaux : leurs recettes propres, tirées d’une taxe sur les ventes immobilières, sont en chute libre (-23 % sur un an) chaque mois, quand leurs dépenses s’envolent. Car c’est la collectivité la plus exposée à la conjoncture avec 60 % de son budget composé de dépenses sociales.
Des baisses de 6 à 8 %
Face à ce mur, Départements de France demande à l’état 10 milliards d’euros pour ces missions obligatoires. Pour la culture, qui ne l’est pas, c’est le spectre d’un recul brutal, mais hétérogène : « Certains ont baissé de 6 à 8 % leur budget culture, d’autres, plus rares, l’ont monté de 4 à 6 % », observe un expert qui veut rester discret. Si le gros du financement territorial au spectacle vivant vient du bloc communal, les Départements pèsent tout de même 1,05 milliard d’euros dans ces apports. 2024 s’annonce compliquée, 2025 sera sans doute pire car « les principaux chocs budgétaires à venir (hausse du RSA, basculement de l’allocation de solidarité spécifique, solidarité à la source) », ne sont pas arrivés, selon Départments de France. Et déjà des tensions apparaissent. Dans le Nord, la fin des subventions au Collectif des réseaux d’insertion par la culture touche les artistes (lire page 2). À Créteil (Val-de-Marne), la Maison des arts annonce une fermeture d’un mois et demi (La Lettre du Spectacle, le 3 mai 2024). En Haute-Garonne, le Théâtre de la Cité, centre dramatique national de Toulouse Occitanie, dit au revoir à 80 % de sa subvention départementale.
Vers une déstabilisation du maillage culturel
Pour Cédric Hardy, délégué général de Cultures Co, réseau national pour la culture dans les départements, qui regroupe élus et professionnels, la position de ces collectivités est très délicate : « Ce qui nous inquiète le plus, c’est la façon dont ça va fragiliser le cadre de vie des habitants, déstabiliser un maillage installé au niveau des politiques culturelles ». Et ce, alors que la préparation des assises nationales de la culture en milieu rural, incertaines, montre l’importance de ce tissu culturel dans ces territoires isolés. La réaction des élus monte. « Je n’ai jamais vu cette levée de boucliers se dessiner autant qu’en 2024, on arrive à une situation très très délicate, complète Cédric Hardy. On voit des DAC très très inquiets. » La Fnadac (Fédération nationale des associations de directeurs et directrices des affaires culturelles) le confirme : « La compétence, facultative, devient de fait une variable d’ajustement, déplore Christophe Bennet, son président. Les Départements ont des ambitions culturelles, des liens avec les structures associatives qu’ils subventionnent. Donc les variables risquent de s’opérer sur des opérateurs en délégation de service public. » Preuve de la soudaineté de la crise sur la culture, dans le baromètre 2023 de l’Observatoires des politiques culturelles, « les Départements semblaient les collectivités qui contenaient le plus leur baisse budgétaire », résume Samuel Périgois, son chargé de recherche. Mais, en 2022, leurs recettes avaient été bonnes. L’enquête 2024 débute avec une forte pression sur les premiers résultats qui seront diffusés à Avignon en juillet. En toute logique, ils devraient témoigner d’une nouvelle tendance. Dramatique, cette fois ?
Jérôme Vallette
En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°560
Légende photo : Carrément-cube, Cie-Hanoumat
Crédit photo : Eric Deguin