Interview de Denis Gravouil, secrétaire général de la fédération CGT-Spectacle
Que risquent les intermittents avec la réforme des retraites ?
Les questions posées par le rapport Delevoye sont multiples pour nos métiers et pas seulement pour les artistes et techniciens intermittents du spectacle. Les dangers concernent les salariés du régime général, des agents de la fonction publique, par exemple, dans les opéras ou les conservatoires, des régimes dits « spéciaux » de l’Opéra de Paris et de la Comédie-Française, et donc les intermittents, sans oublier les auteurs ! Le problème réside dans le principe de la retraite à points, à la place d’un système par annuités. Cela renforce les inégalités. C’est particulièrement le cas évidemment pour les intermittents du spectacle. Bref, il faut empêcher cette réforme et proposer une amélioration du système actuel, par exemple, en améliorant le niveau des pensions. Nous avons toutes les raisons d’appeler à la grève et aux manifestations du 5 décembre.
Concernant l’assurance chômage, va-t-on vers un bilan de l’accord de 2016 ?
La phase de bilan est attendue mais elle semble avoir disparu des radars ! L’important, aujourd’hui, est la remise en cause des droits dans le régime général à partir du 1er novembre. Plus de 1,2 million d’allocataires vont perdre des droits, notamment les travailleurs précaires, via un changement de mode de calcul au 1er avril. Le risque, c’est que le Medef et consorts nous disent qu’il reste des « privilégiés » en pointant les intermittents du spectacle. Nous avons, par ailleurs, noté un nouveau décret le 31 octobre qui rectifie les « coquilles » du décret du 26 juillet.
D’autres sujets de préoccupation ?
Un point important est la réforme de la santé au travail. Le Centre médical de la Bourse (CMB) pourrait être menacé s’ils nous font un système par région comme pour la formation continue. Nous rappellerons que le CMB est l’organe qui connaît le mieux les risques spécifiques à nos métiers. Sur la formation, il n’y a toujours pas de solutions pour les intermittents sur les formations longues via le CPF de transition. C’est vrai qu’ils y ont accès grâce à un décret qui a ramené le seuil d’ouverture des droits au niveau de l’ancien CIF (congé individuel de formation). Le problème, c’est que ce n’est plus l’Afdas qui le gère, mais les commissions interrégionales qui ont comme objectif de favoriser les reconversions. Or 80 % des CIF étaient des transitions à l’intérieur de la profession.
Et concernant le budget 2020 du ministère de la Culture ?
Si on enlève le Pass culture, le budget est en baisse. Le Pass culture, c’est n’importe quoi. L’essentiel repose sur des offres de produits culturels proposés par des grands groupes et des propositions gratuites. Ce n’est pas comme cela qu’on amènera les jeunes à faire des découvertes. Nous sommes aussi contre le mouvement de déconcentration annoncé. Les décisions sur les labels doivent rester en administration centrale. Derrière la déconcentration, il y a en arrière-plan l’idée que ce sera plus facile à transférer vers les régions. Sur le Centre national de la musique, ce qui est proposé n’est pas à la hauteur des attentes. Le Fonpeps a été sauvé, dont acte, mais on est dans un entre-deux et il n’est pas aussi ambitieux que prévu, alors que l’emploi reste une préoccupation majeure. Enfin, il y a une pression un peu partout pour baisser les salaires aux niveaux les plus bas des conventions collectives.
Propos recueillis par Yves Perennou
En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°460
Crédit photo : Marie-Pierre Moinet