Un pas de côté. Est-ce le geste opéré par la nouvelle directrice du TNBA (Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine) et de l’ESTBA (École supérieure de théâtre Bordeaux Aquitaine), Fanny de Chaillé, qui a succédé à Catherine Marnas en janvier 2024 ? Un pas de côté pour que s’ouvrent les portes du TnBA et que se réorientent certains de ses axes. Même intention pour son école adossée, une particularité de ce CDN qui « intéressait beaucoup » la metteuse en scène. Fanny de Chaillé ne « se sent pas perdue dans cette énorme maison », puisque son labeur de directrice s’articule autant avec ses expériences d’artiste associée qu’avec son travail de création.
Ses deux dernières pièces, Le Chœur (2020), et Une autre histoire du théâtre (2022-2023), mettent en abyme la question de la transmission, qui lui est chère, et l’art dramatique, du point de vue de l’acteur. Ces problématiques irriguent ainsi ses intentions pour la direction du TNBA et de l’ESTBA : « La question de l’école est vraiment née de manière cohérente, à partir de ces créations-là. » Le projet de l’école s’élaborera avec un collège pédagogique composé surtout d’acteurs et actrices, afin de « penser la pratique du jeu avec celles et ceux qui l’exécutent », et de replacer la figure de l’acteur au centre de l’enseignement. Il s’agit d’« opérer un vrai décalage par rapport à ce qui se fait dans les écoles ».
Dynamique d’ouverture
Malgré l’implantation de sa compagnie Display à Bordeaux, Fanny de Chaillé ne connaît pas autant la ville que sa fidèle collaboratrice, Isabelle Ellul, directrice déléguée du TNBA. Elles ont postulé en duo avec un projet qui manifeste leur « envie de rouvrir le TNBA », notamment à des « collaborations étroites », soit avec La Manufacture CDCN, le CAPC (musée d’Art contemporain de Bordeaux), la Scène nationale Carré-Colonnes (Saint-Médard-en-Jalles), et le festival Trente Trente. Des dialogues qui font sens dans une ville « où se manifeste à présent un vrai désir de fabriquer ensemble ». Ces projets seront dévoilés en septembre dans la programmation 2024-2025 parmi de « gros spectacles de théâtre » et les créations des neuf artistes associés, dont cinq régionaux. Le choix de ces compagnonnages, allant de Gwenaël Morin au bordelais Collectif Rivage, en passant par Rébecca Chaillon, témoigne d’une volonté de « diversité d’esthétiques et de pratiques ». Avec eux, Fanny de Chaillé entend mener « un accompagnement sur mesure », fondé sur l’écoute de chacun. Un soin de l’autre matérialisé jusque dans le Projet Kids, qu’elle a expérimenté à Chambéry (Savoie), et qui entrelace la question de l’ouverture et de la transmission. Une « université d’arts pour les enfants et adolescents » qui leur permet de pénétrer les coulisses du théâtre pendant les vacances : « Partager nos pratiques aux enfants et leur raconter ce qui se passe dans un théâtre est très important », dit celle qui y sera animatrice. Pas de distinction, donc, entre le théâtre de la relation créé par la metteuse en scène et celui que bâtit la directrice.
Hanna Laborde
En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°556
Légende photo : Fanny de Chaillé
Crédit photo : D. R.