A l’approche de l’été, l’inquiétude demeure chez les organisateurs de festivals

    Wu Lu

    Après une saison 2023 difficile, les festivals s’engagent dans un été épineux sur le plan économique.

    C’est comme si la saison festivalière ne pouvait se passer d’épines. Covid, retombées du Covid, inflation, Jeux olympiques, météo… Le tout, avec un fonds festivals qui, malgré les demandes, n’a pas bougé en 2024. Si, par rapport à la fréquentation, la saison a plutôt bien commencé (lire page 13), nombreux restent inquiets. Les publics, de retour en 2023, semblent cette année encore au rendez-vous. Mais les spectateurs ont durablement changé leurs habitudes et se décident désormais au dernier moment. Au Syndicat des musiques actuelles, un groupe de travail s’est monté pour suivre les quelque 170 festivals adhérents : « ça nous permet de prendre le pouls, dit Stéphane Krasniewski, en charge des festivals au SMA. Et c’est assez mitigé : ce qui est sûr c’est que personne n’est optimiste. » 

    Budgets tendus 
    Cette crainte est faite d’un mélange des résultats financiers de 2023, et d’une billetterie qui, bien que satisfaisante en 2023, réagit tardivement. « On est plusieurs à observer un comportement du public qui se déclenche dans les trois dernières semaines avant l’événement, constate Stéphane Krasniewski, par ailleurs directeur des Suds (8-14 juillet), à Arles. De fait, on est plus soumis aux aléas climatiques. » Par ailleurs, les spectateurs seront cette année « sursollicités par les manifestations sportives : Euro de foot, Jeux olympiques… » 
    France Festivals, qui observe l’ensemble du spectacle vivant, s’était félicitée des fréquentations de 2023. « Les remontées confirment que le public est au rendez-vous, mais la billetterie est effectivement lente, reconnait sa directrice, Alexandra Bobes. Pour le moment, nous n’avons pas d’inquiétude majeure sur ce point. » Autre son de cloche sur les équilibres budgétaires. L’effet ciseau opère toujours et, même si l’inflation se tempère, les prévisions ne sont pas brillantes. « Le break (seuil de rentabilité) est tellement haut que personne ne pense pouvoir rentabiliser, ajoute Stéphane Krasniewski. De plus, « sur tous les territoires, il y a des tensions avec les collectivités. Elles cherchent, elles aussi, d’autres sources d’économie et de revenus. » Or, « une subvention stable dans ce contexte, signifie un déficit », résume Alexandra Bobes qui observe en sus, et de manière « assez généralisée », une « baisse du mécénat. » De facto, « beaucoup de festivals ont déjà prévu des déficits pour une deuxième année consécutive ». Dans certaines régions, France Festivals est alerté par des craintes sur le fonds festivals, en partie piloté de manière déconcentrée. Une tendance ?

    Small is beautifull
    Mais il y a aussi les optimistes, qui parient sur un autre modèle. à une plus petite échelle, le travail de dentelle du Festival de Chaillol (du 19 juillet au 11 août) a « épousé les reliefs des vallées alpines du pays gapençais », avec ses nouvelles musiques traditionnelles. Le directeur de cette scène conventionnée art en territoire des Hautes-Alpes, Michaël Dian, se félicite de ne pas avoir de lieu fixe, comme son festival : « On est itinérant, c’est très à la mode, mais c’est une réponse à l’inflation et aussi aux pratiques des Français. Ce territoire nous a amenés à réfléchir à une relation aux habitants. » Et, en festival, cela donne des « séries plus longues », des artistes rémunérés en plus sur de l’action culturelle, et qui viennent se poser dans ce havre montagnard au milieu d’une saison éreintante. « Il y a une vraie anxiété des écosystèmes de la création, synthétise Michaël Dian. Nous avons essayé d’y répondre avec une volonté de très grande sobriété dans les moyens. » Un pari réussi qui ravit ses tutelles.

    Jérôme Vallette

    Vers un baromètre unique et plus simple
    L’année dernière encore, chacun produisait son propre baromètre des festivals, parfois en ordre dispersé. Désormais, autour du Centre national de la musique et de l’expertise du Département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la Culture, Ekhoscènes, SMA et France Festivals (qui permet d’élargir le spectre des événements) vont relayer un questionnaire commun, en cours de finalisation, pour tous les festivals. L’objectif est de simplifier l’outil et d’avoir une mesure plus rapide de la saison, et un travail moins lourd pour les équipes organisatrices. Autour d’une vingtaine de questions (budget, artistes, développement durable, etc.), le baromètre devrait connaître trois vagues pour les festivals d’avant juin, ceux de l’été, et les suivants. Premiers résultats à la rentrée. Pile pour la séquence budgétaire au Parlement. Nul doute que ces données éclaireront la réflexion sur les besoins des festivals.  

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°561

    Légende photo : Wu Lu, Les Escales

    Crédit photo : Eric Deguin