L’Observatoire de la liberté de création devient une association. Sa présidente, l’avocate Agnès Tricoire, nous détaille ce tournant.
L’Observatoire prend son envol et quitte la LDH ?
Nous ne quittons pas la Ligue des droits de l’homme (LDH) qui reste l’organisation fondatrice, et continuera à défendre avec nous la liberté de création et de diffusion des œuvres. En devenant une association, nous pourrons ester en justice et développer des missions propres comme la formation et la médiation. Il y a un besoin énorme de connaissances juridiques sur le sujet de la censure, de l’entrave à la liberté de création et de diffusion des œuvres. Et nous constatons aussi que, trop souvent, des situations se verrouillent alors qu’une médiation permettrait de débloquer les choses. Depuis 20 ans que nous travaillions nous avons une expertise que nous souhaitons mettre à la disposition du spectacle vivant.
Et sa gouvernance ?
L’Observatoire continuera à être le lieu privilégié des organisations qui le composent, une quinzaine, un chiffre ayant vocation à grandir. Dans la période qui s’annonce, il faut être unis et fermes sur les principes, sans tomber dans le dogmatisme, ce dont nous nous sommes toujours gardés. Avec Daniel Veron (trésorier), François Lecercle (vice-Président) et Thomas Perroud (secrétaire), nous continuerons à animer l’Observatoire dans le respect constant d’une démocratie transversale, la marque de fabrique de notre groupe. Nouveauté : entreront au CA des personnalités qui éclairent nos débats par leur savoir immense. L’Observatoire restera un lieu de discussion interdisciplinaire, et de solidarité entre tous les genres culturels.
Aux BIS, vous avez insisté sur le fait que le débat doit toujours remplacer la censure...
J’ai souligné la différence considérable entre ne pas programmer – une liberté protégée par la loi de 2016 –, et désavouer ses propres spectacles, ce que nous dénonçons. Si un spectacle fait l’objet d’une polémique, il faut tenir bon et organiser une discussion avec les contestataires. J’ai aussi critiqué la position des Zénith qui acceptent, alors qu’il a été maintes fois condamné pour antisémitisme, de louer leurs salles à Dieudonné. Or ils n’y sont pas contraints. Tout cela pour demander ensuite au préfet d’interdire son spectacle, position absurde et dommageable. Ce n’est pas au préfet de faire de la censure a priori et cela crée un précédent fâcheux quand la demande est faite non par un groupe de censeurs d’extrême-droite, ce dont nous avons l’habitude, mais par le délégataire d’une salle culturelle. Attention à ne pas rétablir insidieusement la censure des spectacles, abolie au début du XXe siècle. On sait à qui profiterait ce système. Enfin, on ne peut pas débattre avec tout le monde, ni avec ceux qui dénoncent les œuvres tout en refusant de les voir, ni avec ceux qui sapent les fondements de notre République avec leurs discours discriminatoires.
Propos recueillis par Jérôme Vallette
En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°552
Légende photo : Agnès Tricoire
Crédit photo : Julien Pebrel